Avant tout, nous tenons à remercier Monsieur Éric Boura au nom de Coasters World, d’avoir accepté ce tout premier entretien accordé par un responsable du Parc Spirou à un site de passionnés de parcs d’attractions.
Beaucoup de personnes ont comparé le projet du parc Spirou à celui de Spyland (près de Calais), tant par l’ampleur du projet que par ses rebondissements successifs. Qu’est ce qui fait la différence entre vous et Spyland ; quels sont les éléments qui ont fait rendre votre projet viable ?
Eric Boura : Il n’y a pour moi aucune comparaison possible entre Spyland (ou maintenant Heroic Land) et le Parc Spirou. Le Parc Spirou a obtenu il y a longtemps un permis d’aménager et avait pour actionnaire le groupe Media Participation qui est le leader de la bande dessinée Européenne. Le projet a été très tôt structuré correctement et dimensionné aux fins d’obtenir un financement stable. Le projet de Calais est pharaonique, n’a aucun investisseur identifié et a des ambitions trois fois supérieures à celles du Parc Spirou. Pourtant si on compare les zones de chalandise, le nombre de touristes, de résidents et les conditions climatiques, il n’y a pas photo entre les 2 projets.
Vos principales attractions proviennent d’un constructeur allemand : Zierer. Comment en êtes-vous arrivés à choisir ce constructeur parmi tant d’autres (sachant que Zierer sera le fournisseur quasiment exclusif des attractions du parc) ? Avez-vous testé Impulse à Knoebels avant de choisir ce même coaster comme attraction phare de votre futur parc (ndlr : Le Nid de Marsupilami sera un clone de ce grand huit, implanté en Pennsylvanie) ?
Le choix de Zierer comme fournisseur exclusif des attractions outdoor n’a pas été basé sur le test d’un ou plusieurs Roller Coasters. En fait il s’est avéré très vite qu’ils étaient les seuls à pouvoir répondre à notre cahier des charges qui était :
- Etre un fournisseur d’excellente réputation, connu pour la longévité de ses machines et la maitrise de ses couts de maintenance
- Fournir un mix d’attractions complet en majorité de type « attractions familiales »
- Livrer l’ensemble des attractions dans un délai record de 12 mois à compter de la commande (Seul Zierer peut augmenter ponctuellement ses capacités de production garce à son hébergement au sein du site industriel de sa maison mère).
- Disposer d’une unité de thématisation intégrée afin de répondre aux demandes des ayant droits des personnages du parc
- Etre disposé à livrer toutes les attractions aux nouvelles normes EN13814 Eurocod 3. Cela a été un véritable frein pour travailler avec d’autres constructeurs même de réputation internationale car il fallait refaire l’ensemble des calculs sur leurs attractions standards. La norme Eurocod 3 n’est pas spécifiquement imposée par les organismes de contrôles et de nombreux parcs ne l’exigent pas. Compte tenu de cette situation, les constructeurs se mettent aux normes que très progressivement et ne peuvent répondre à une demande importante et groupée comme l’était la notre
Par ailleurs, si l’on observe des parcs familiaux à succès comme Plopsa ou Légoland, on retrouve la plupart des best sellers de Zierer. Zierer ne dispose pas des manèges les plus grands et les plus rapides mais certainement des plus solides dans le temps et des plus faciles à entretenir. Nous avons donc adopté une stratégie d’entrepreneurs avisés plutôt que de passionnés.
Enfin, nous avions décidé de tout regrouper chez un unique fournisseur aux fins de maximiser nos chances d’ouvrir dans les temps. Nos équipes collaborent étroitement avec celles de Zierer et on imagine la difficulté que l’on aurait dû affronter si l’on avait choisi plusieurs fournisseurs. Dans le futur ce sera le cas, mais le désir de simplification et de rationalisation a été le plus fort.
C’est pour ces même raisons que l’on a choisi Simworx comme fournisseur exclusif des attractions indoor.
Qu’est-ce qui vous a fait pencher pour la Socotec (plutôt que pour la TUV, par exemple) dans le choix de votre organisme de certification pour vos futures attractions ? Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots quel est le rôle exact d’un tel organisme et à quel moment du processus de construction d’une attraction il intervient ?
Nous avons choisi de travailler avec Socotec non seulement pour les attractions mais pour tous les autres chantiers du parc (Bâtiments, sécurité incendie…). Les puristes pensent que TUV peut apporter un niveau de service et de sécurité supérieur mais nous ne sommes pas du tout d’accord avec ça. Nos interlocuteurs chez Socotec sont très compétents et passionnés du secteur. Si l’on retourne la question, on découvre que TUV n’est pas habilité pour couvrir tous les chantiers en termes de construction d’un parc. Il aurait donc fallu leur adjoindre un autre organisme de contrôle pour compléter les dossiers techniques. Toujours dans le même objectif de rationalisation, nous avons préféré travailler avec un seul organisme ce qui à l’évidence nous fait gagner beaucoup de temps sur le management de projet et la communication entre les parties. En plus nous avons missionnés Socotec sur des missions complémentaires à la seule mission obligatoire en France (Inspection annuelle pré-ouverture). Ils interviennent sur le project management, le suivi de fabrication des attractions, l’intégration de la thématisation et la gestion du rétro planning.
Que vous a apporté l’arrivée de Daniel Bulliard (ndlr : directeur du Futuroscope de 1987 à 2000) dans le projet du parc Spirou ?
Daniel est un manager de très haut niveau !! Compte tenu de la taille raisonnable du projet, on pourrait penser qu’on utilise une bombe atomique pour tuer une mouche…mais au final toute l’équipe se délecte de son professionnalisme et son management pro-actif. Il nous pousse dans nos retranchements tout en nous laissant beaucoup d’initiatives et en écoutant attentivement toutes les idées qui surgissent lors des réunions de travail. Les actionnaires l’ont mis en place pour sécuriser leur investissement et ils ont une confiance totale en lui. Il les rencontre toutes les 2 semaines sur Paris afin de leur rendre compte des avancées du projets ou pour trancher sur des choix à faire.
L’offre du parc apparait assez complète… mais qu’en est-il des attractions aquatiques, qui pourtant pourraient séduire, étant donné la localisation du parc ? Leur absence relève-t-elle simplement de contraintes techniques ?
Effectivement, au-delà des contraintes techniques certaines, il a été décidé de reporter les attractions aquatiques afin de ne pas avoir à gérer de contraintes hydrauliques dans un délai aussi court. Cela fait aussi partie de notre stratégie assumée de simplification du projet aux fins d’ouvrir dans les temps. Je constate qu’il y a beaucoup d’incrédulité voire même de moqueries sur le forum concernant notre objectif d’ouverture en Juin. Nous sommes confiants de pouvoir y arriver d’autant plus que nous avons écarté toutes les œuvres qui pouvaient occasionner un retard.
Comment comptez-vous articuler le parc avec votre voisin immédiat, Splashworld? Est-il prévu de proposer des billets combinés ?
Nous allons avoir des relations de bon voisinage, mais il est trop tôt pour parler de billets combinés. Mon opinion est qu’un billet combiné sur la même journée sera difficile à exploiter et peu intéressant. Il sera difficile de faire les 2 parcs dans la même journée, et même s’ils sont proches, la combinaison d’un parc sec et d’un parc aquatique dans la même journée n’est pas simple. Il y a aussi le fait que nous sommes un parc à thème avec des royalties à reverser et que ce sera un problème compliqué à gérer dans le cadre d’un billet combiné.
La présence de mascottes physiques a été évoquée dans plusieurs articles: vos mascottes ont-elles vocation à être très présentes et dynamiques (un peu comme les nouvelles mascottes de Walibi… stratégie d’ailleurs revue dernièrement), ou à jouer un rôle secondaire, que ce soit dans le parc ou la storyline des attractions ? Est-il prévu de créer des zones de Meet & Greet ?
Si vous trouvez les mascottes de Walibi très présentes et dynamiques alors celles du Parc Spirou seront très très dynamiques…Il y aura au moins 10 personnages différents et les zones meet and greet sont incorporées dans le Master plan. Il y aura des surprises, des spectacles et interactions de rue et même une parade en fin de journée !
Votre objectif annoncé est d’un million de visiteurs pour 2022. Pour cela, deux extensions au projet initial sont d’ores et déjà annoncées (la zone Marsupilami et Lucky Luke en 2020, le Journal de Spirou en 2022). Un petit indice sur les attractions que l’on pourra y trouver ? Ces phases-là (40,4 M sur les 84,4M d’euros total) sont elles déjà entièrement financées ?
Nous assumons notre objectif de 950 000 visiteurs la 7e année. Il est basé sur la qualité et le potentiel de la zone de chalandise et sur le fait que l’on aura au moins 30 attractions de qualité (dont 8 indoor). Rien n’est financé bien entendu mais la qualité de notre actionnariat nous permettra de tout financer en temps et en heure. Contrairement aux plans initiaux, Daniel a voulu plutôt baser sa stratégie sur la création d’une à trois nouvelles attractions par an plutôt qu’une nouvelle zone tous les 2 ou 3 ans. Par ailleurs, il y aura des attractions Marsupilami, Gaston et Lucky Luke dès l’ouverture du Parc et il n’est pas exclu que d’autres personnages rejoignent très rapidement ceux qui sont déjà présents
Le Parc Spirou se veut un parc technologique, à peu à l’instar de ce qu’était le Futuroscope à son ouverture : optimisation des médias sociaux, Wifi gratuite dans le parc et application, logiciels de gestion des flux et de ticketing… Dans cette optique, qu’en est-il de la VR, que l’on voit fleurir dans de nombreux parcs ? Est-il prévu de l’installer sur une des attractions ?
La VR fera son apparition assez vite dans le parc mais pas lors de son ouverture. Nous voulons avant tout arriver avec un produit VR de la nouvelle génération incluant une qualité d’image et des interactions supérieures à celles qui sont mises en place actuellement.
Nous allons évidemment suivre la construction du parc de près sur le Forum, et les délais nous paraissent pour le moins… ambitieux ! Pourriez-vous nous communiquer quelques-unes des grandes deadlines de la construction, ou tout du moins un ordre d’idée général des grandes étapes des travaux ?
Les terrassements sont quasiment achevés, il a fallu élever le terrain et créer une pente de 1 mètre pour faciliter les écoulements des eaux de pluie.
En Septembre vont débuter les travaux de VRD et les fondations (Roller Coaster, manèges, Bâtiments). Tout sera terminé (temps de séchage compris) mi-Décembre. À partir de cette étape, le montage des bâtiments et des attractions indoor débutera conjointement pour se terminer mi-Mai. Dès lors les tests seront lancés pour une ouverture au plus tôt.
Quels sont, pour vous, les plus grosses contraintes auxquelles le parc va devoir faire face lors de ses premiers mois d’exploitation ?
- Prévision et anticipation de la fréquentation (le plus difficile une première année) car il faut avoir les quantités adaptées en nourriture, boissons, produits dérivés…et aussi prévoir le personnel extra en cas de forte affluence. La première année est très compliquée et les principales critiques que nous subirons seront souvent liées à notre succès.
- Pouvoir rapidement fournir une capacité maximum au niveau des attractions. Il y a un temps d’apprentissage des opérateurs et aussi des contraintes techniques et de maintenance à intégrer.
Le bassin de population potentiel est énorme, mais la « mentalité » parcs d’attractions paraît encore faible, étant donné le peu d’offre alentours. Qu’est-ce qui explique selon vous ce (jusque à présent) très faible nombre de parcs dans la région ? Quels moyens / stratégies marketing et de communication comptez-vous mettre en place pour attirer les visiteurs et réussir ce tour de force d’évolution des mentalités ? Votre objectif est-il d’arriver à capter des vacanciers en cours de route, ou de vous concentrer principalement sur la population locale ?
Je ne suis pas très d’accord avec cette information. La région PACA procure environ 300 000 visiteurs à Port Aventura chaque année (6 heures de route). Le fait qu’il n’y ait pas de parc dans le sud est lié au fait qu’il est très difficile de monter un projet privé d’envergure en France (quel que soit sa localisation). La région PACA et l’ex-Languedoc sont aussi les terres les plus rentables pour les Luna Parcs et les parcs forains.
Le parc sera-t-il équipé en éclairages pour accueillir d’éventuelles nocturnes ? C’est un peu tôt, mais pensez-vous déjà proposer des saisons spéciales, ou préférez-vous vous centrer pour le moment sur une saison estivale bien remplie et de qualité ?
Le parc pourra opérer en nocturne et sera ouvert 260 jours par an. Nous serons ouverts durant toutes les vacances scolaires y compris les vacances de d’hiver et celles de Noel (le climat va beaucoup aider pour celles-ci).
Les membres se posaient deux petites questions sur les attractions : le Fantacoptère Express sera-t-il un modèle de Star Shape « normal » (30 mètres de haut), ou une version réduite, adaptée à un public plus familial ? Quel grand-huit le Train des Cimes sera-t-il exactement ? Sur le concept-art, cela ressemble à une sorte de Disk’O suivant un tracé classique !?
Il y aura un Star Shape de Zierer de 30 mètres et Le Train des Cimes est un junior Coaster qui sera très thématisé.
Vous comptez embaucher 113 CDI et 121 CDD. Quand allez-vous lancer le processus de recrutement, puis entamer la formation des équipes ?
La plupart des cadres sont déjà là. Ils viennent tous de parcs Français connus en activité. Le recrutement sera progressif en fonction des besoins avec un renforcement à partir de Mars 2018.
Nous venons d’ouvrir un nouveau site, Captain Coaster, qui recense les coasters du monde entier et invite les membres à noter les grand-huits et à partager leurs expériences. Si vous deviez faire votre propre Top 3 de vos expériences de grand huit les plus marquantes, lesquelles seraient-elles ?
Taron 9,5/10,
Red Force 9/10,
Baron ou Oblivion 8,5/10.
Merci encore, Mr Éric Boura, de nous avoir accordé cette interview exclusive.
Crédits Photos : Parc Spirou
Propos recueillis par Mathis & Gleap
5 septembre 2017
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