Un coup de feu. Deux, même. Le PDG de Zierer n’est pas rassuré : pourtant, pas de règlement de compte dans ce OK Corral-ci. A Cuges-les-Pins, les coups de feu sont même plutôt réjouissants, puisque ils rythment traditionnellement l’ouverture des nouvelles attractions du parc. Depuis 1970, la famille Bembom, famille de forains néerlandais à l’origine, détient et développe progressivement ce petit parc. Ce qui était un petit village de tipis il y 48 ans est désormais le lieu d’accueil de 400 000 visiteurs annuels.
Avec Pioneer, la famille Bembom réalise un rêve presque aussi vieux que le parc lui-même.
“Au fait… les chevaux tireront des calèches !”
Impossible de manquer cette nouvelle attraction : juchée sur sa colline, elle surplombe le parc et en deviendra naturellement le symbole, à n’en pas douter.
« On a regardé plusieurs modèles de coaster pour cette colline mais on s’est vite rendus compte qu’il fallait quelque chose avec des chevaux » – Mathijs Bembom (PDG du parc)
Garés sous les pins, Paul et moi-même nous rendons à la cérémonie d’inauguration proposée par le parc en ce Samedi 2 Juin. Famille des propriétaires du parc, exposants de voiture & quelques journalistes se mêlent dans une atmosphère naturelle et détendue – ça fait du bien de voir autant de naturel et de simplicité de la part de tous les gens présents !
Emu, Mathijs BEMBOM nous présente sa nouveauté. Depuis le moment où l’idée a germé pour le première fois dans son esprit, 4 ans ont passé.
« Dès l’ouverture de Goldrush, on a commencé à parler avec ma femme et mes deux fils d’une prochaine attraction. Qu’est-ce qui n’avait pas encore été tenté ? Cette idée de coaster à double position nous est venue rapidement. »
Pour cela, il va voir tous les constructeurs mais à l’époque, la position à califourchon est peu répandue, et personne ne veut le suivre. Seul Zierer répond positivement : le processus de développement démarre alors dans le plus grand secret, en Février 2017. Et puis, une fois Zierer définitivement embarqué dans le projet, Mathijs Bembom dévoile au constructeur allemand son vrai projet : “Au fait… les chevaux devront tirer des calèches”. Quelques gouttes de sueur perlent sur le front des ingénieurs de Zierer…
Le secret est gardé pendant de longs mois. Seules quelques bribes d’informations sont lâchées à l’entourage proche. Et encore…
Une connaissance technique certaine de la part du parc.
Le parc commence à avoir de l’histoire, et cela se sent. Notamment dans l’expertise technique de ses dirigeants, passionnés. Anthony, fils de Mathijs, a notamment imposé à Zierer un certain nombre d’impératifs techniques nouveaux pour la constructeur allemand : avoir accès directement grâce à un jeu de roues supplémentaires à l’ensemble des boogies ce qui a demandé à Zierer de repenser l’ensemble du châssis , ou bien encore proposer un système d’aimant pour retenir la chaine en début de lift et éviter le fameux clac bruyant.
« Nous avons imposé à Zierer un cahier des charges assez conséquent: la tolérance classique d’une voie pour un ESC est de 2 à 3mm. Pour réduire le brit pour notre camping, nous avons imposé une tolérance de 1mm. Une dizaine de rails à dû être jeté pendant la construction… » – Anthony Bembom (Responsable Technique du parc).
« Pour ce qui est de l’usure : on nous parlait en jours de fonctionnement ce qui pour nous, parc saisonnier, n’avait pas de sens : en quoi sommes-nous comparable à Port Aventura, eux qui ouvrent tous les jours de 8h à 21h ? Et tout ça ne prend pas en compte les jours de pluie extrêmes, où seuls quelques cycles auront lieu… Nous avons donc demandé à Zierer de revoir leur système, et avons installé des puces sur les trains pour définir automatiquement, au bout d’un nombre de cycles précis, les opérations à effectuer. »
Chez lui comme chez son père, on sent une passion naturelle pour les coasters et l’univers des parcs à thème. Quel plaisir de discuter avec eux !
Le débat anime le forum ces derniers jours : Pioneer, ça valait vraiment 4 ans de développement R&D et 8 millions d’euros ?
Un modèle avec du potentiel.
Nous voilà en présence d’une énième tentative de motocoaster. Le marché commence à être sacrément saturé ; entre l’original qui a su se réinventer avec Tron (Vekoma), le nouveau venu chic (Yukon Quad d’Intamin), le constructeur qui veut jouer sur la nostalgie (Zamperla et son Steeplechase), et la version geek (Maurer), les parcs ont l’embarras du choix. Zierer est un peu à la croisée du modèle Vekoma et Zamperla. Propre techniquement, élégant visuellement, et avec des trains très réussis pour ce qui est du modèle cheval / charette, en tout cas. Le train ne peut pas partir tant qu’une opératrice n’est pas sur une plateforme en bout de quai, assurant ainsi sa sécurité. Retour de médaille : le calibrage allemand ne semble pas prendre en compte le physique des jeunes opératrices marseillaises, puisque le coaster ne partait pas sans la présence de deux opératrices lors du jour de l’inauguration !
L’expérience de ride est intéressante, et le circuit a clairement été fait sur mesure, ce qui a du contribuer à faire grimper la facture. La tête toute entière des chevaux remonte vers vous (plutôt qu’il s’agisse d’une simple lap-bar), détail extrêmement bien trouvé. Le circuit enchaine les courbes et est un très bon familial sans révolutionner le genre. La liberté de mouvements permise sur les chevaux est intéressante, ce qui accorde à cette position notre préférence. Mais de l’arrière, c’est assez marrant de voir d’autres guests devant soi apprécier leur coaster dans une autre position.
De plus, là où les chevaux ne sont accessibles « qu’à » partir d’1m20, les wagons peuvent être ridés dès 1m, ce qui évitera un certain nombre de frustrations et incitera les enfants à revenir un an ou deux après pour monter à l’avant et diriger à leur tour les carrioles.
Avec la même clarté qu’un Golden Driller (Fraispertuis-City), les files sont ainsi clairement séparées et les tailles indiquées dès l’entrée.
Même s’il manque un airtime ou deux pour rendre le layout intéressant pour nous, la balade est sympathique ; le layout, par ses dimensions (25m de haut, 500m de long) plus que par son tracé unique, permettra sûrement à Zierer de convaincre d’autres parcs. Cela dépendra du coût réel du manège, qu’on ne connait pas, le budget de 8M€ prenant en compte l’aménagement du terrain… et la R&D inhérente au projet chez Zierer.
Point magistral : la vue, sûrement la plus belle sur un coaster français. Si l’on apercevait les montagnes depuis le Parc Spirou, ici, nous sommes au creux de l’une d’elles, et le cadre du parc en général est vraiment agréable.
L’attraction avec son coût élevé, sonne comme un de ces caprices contre lesquels on ne peut pas lutter et qu’on ne regrette pas d’avoir suivi de toute façon. L’idée était un rêve. L’attraction est parfaite dans le thème du parc. Restera à voir si Zierer saura en tirer un modèle plus général pour la suite.
La gare du coaster n’est pas encore terminée. En attendant, une bâche a été posée sur le celle-ci,effort de thématisation notable et à saluer.
OK Corral est un parc qui s’est développé lentement, sainement. Pourtant, le parc a de l’histoire, et cela se sent dans la passion qui suinte à travers ses dirigeants. On ne peut qu’être curieux de ce que réservera la suite. Longtemps hégémonique, le parc va quoi qu’on en dise avoir faire (enfin) à un concurrent sérieux, à moins d’une heure de ses portes. En espérant que le parc ait quelques cartouches en rechange pour riposter, et ose grille la priorité du Parc Spirou en installant les premières inversions du Sud de la France. Le hold-up serait mémorable…
Un énorme merci aux équipes du parc, à Anthony, Mathijs Bembom ainsi qu’à Dominique Villanueva pour le temps accordé ! S’il vous reste un peu de temps après votre visite au parc… les calanques ne sont pas si loin ! Contrairement à nous, n’oubliez juste pas d’apporter de l’eau avant de partir en randonnée…