Nous avons rencontré Andreas Andersen, président de Liseberg et l’IAAPA lors de l’Euro Attractions Show 2018 pour une interview. L’occasion de découvrir un dirigeant passionné par son métier et doté d’une précieuse expérience dans le secteur !

Pouvez-nous nous présenter votre carrière en quelques mots ? Qu’est-ce qui vous a amené à ce poste de Président de l’IAAPA ?

Comme pour beaucoup, mon parcours est un savant mélange de coïncidences et de travail. Au départ, je suis avocat, et ai exercé ce métier pendant un certain nombre d’années ! En 2000, je décroche un poste en tant qu’avocat au sein de Tivoli Gardens, à Copenhague. Depuis, je n’ai plus quitté cette industrie !

Je suis actuellement PDG de Liseberg, un parc régional assez connu qui se situe à Göteborg et constitue l’une des principales destinations de Scandinavie. C’est un parc qui a de l’âge et de l’histoire – nous avons fêté ses 95 ans cette année ! Le parc dégage un charme fou tout en étant très urbain et est, je crois, bien fourni en attractions ! C’est un parc historique mais qui est aussi, à l’heure d’aujourd’hui, un lieu de rencontre où touristes et locaux se mélangent. Cela fait 8 ans maintenant que je suis en poste à Liseberg, et travailler sur un lieu avec une identité si forte a été un challenge incroyable !

Pouvez-vous nous décrire quel rôle exact joue l’IAAPA au sein de l’industrie du loisir ?

L’IAAPA (International Association of Amusement Parks and Attractions) est la seule association qui réunit les professionnels du secteur de l’amusement au niveau mondial. Nous avons un peu plus de 5500 membres inscrits, qu’il s’agisse d’opérateurs ou de constructeurs et fournisseurs. Notre association est construite autour de grands événements et de salons : il y a le salon européen annuel où nous nous trouvons, mais aussi un à Orlando et en Asie chaque année. Nous utilisons ces moments comme des leviers pour réunir les acteurs de l’industrie. Tout l’argent que nous récoltons durant ces événements est reversé dans diverses initiatives qui profitent in fine aux membres, qu’il s’agisse de collecte de données, de programmes de formation ou de sensibilisation à la sécurité ; de manière globale, dans tout ce qui peut venir améliorer la connaissance de nos membres concernant cette industrie. C’est une mission de la plus haute importance car l’industrie est bien plus forte grâce à ce lien permanent.

Comment faites-vous pour jongler entre les emplois du temps exigeants de vos deux fonctions ?

Voici mon secret : je ne divise pas mon temps… je travaille juste le double d’heures ! Cette année a été très intense, parfois un peu trop peut-être – c’est un rôle très intéressant car il a été initialement conçu à une époque où l’IAAPA était une association majoritairement américaine avec un seul show par an, à Orlando. Les choses ont bien évolué depuis : aujourd’hui, nous pouvons dire que nous sommes une association vraiment internationale – il y a des initiatives dans tous les sens ! Ça a été un grand privilège de voyager à travers le monde, rencontrer les différents acteurs et de pouvoir redonner un peu à l’industrie de ce qu’elle m’a offert.

Vous vous êtes auto-décrit comme un “nerd” de parcs à thème dans une interview accordée à Blooloop. Cette passion, a-t-elle été un atout dans votre parcours ?

Cette passion a en tout cas été mon point d’entrée dans l’industrie : si j’ai obtenu ce job à Tivoli il y a 20 ans maintenant, c’est clairement parce que j’aimais le produit de tout mon cœur. Si vous avez une passion, un intérêt particulier pour quelque chose, ce sera toujours un atout pour réussir. Toujours. Il faut malgré tout apporter une nuance : ma passion a évolué au fil du temps. Quand j’ai démarré, j’étais fasciné par les attractions, les parcs, tout l’aspect brillant et reluisant de l’industrie. Aujourd’hui, ce qui me fascine, ce sont les équipes qui se cachent derrière les parcs. J’adore travailler avec les gens, au sein de cette industrie du loisir et des services.

La passion est un excellent point d’entrée, mais il faut garder en tête que vos priorités sont susceptibles de changer lorsque vous endossez des rôles plus importants.

 

Quelles sont selon vous les principales tendances de l’industrie ces derniers temps, qu’il s’agisse du point de vue des parcs ou des constructeurs ?

On pourrait énumérer la liste des nombreuses innovations technologiques qui marquent l’industrie aujourd’hui, la liste des attractions qui deviennent hybrides, etc.. Mais au-delà de tout ça, je crois que l’un des points-clés est la transformation des parcs en vraies destinations, en resorts complets. Un autre point crucial est celui, évidemment, de la digitalisation. Il remet en question la manière dont on communique, vend, prévoit, fait vivre nos expériences, mais modifie aussi la délimitation de notre champ de concurrence. Une autre tendance forte : celle des IPs (Note : utilisation de marques ou personnages provenants de films, comics etc…) : les parcs ont de plus en plus besoin de ces licences, qui vont de pair avec la mondialisation. Nos marchés ont changé. Je parie aussi que le développement durable va s’intégrer dans les problématiques des parcs…

Concept-art du parc aquatique de Liseberg prévu pour 2021

Le point commun dans tout cela est la vitesse à laquelle les choses changent – elle s’accélère, et n’est pas prêt de s’arrêter. Changement technologique, social, culturel… tout cela est en route. S’il y a bien une chose qui ne changera pas, c’est le changement lui-même. Il va continuer à aller en s’intensifiant. 

Quelle est la chose qui vous passionne dans ce secteur aujourd’hui ?

Le quotidien dans cette industrie est bien sûr fait de pression, de stress, et de beaucoup de travail. Mais au fond… c’est une chance incroyable que de pouvoir être à l’origine d’expériences et de créer des moments aussi marquants pour des familles qui se réunissent “dans la vraie vie” !

Alors quand, lors de longues nuits, je suis attablé avec mes feuilles Excel, je repense à ce que j’appelle ces “moments de grâce” (“pinch-pinch moments”, littéralement “pincez-moi, je rêve” !), ces moments magiques où tout semble faire sens, et qu’un immense sentiment de gratitude vous envahit. J’éprouve régulièrement ce sentiment en visitant un parc, que ce soit Liseberg ou ailleurs, moments durant lesquels je me dis : “voilà, c’est pour cela que je fais tout ça”.

Qu’est-ce qui fait selon vous d’une attraction une expérience réussie ?

Cela varie vraiment du type de ride. Ce qui à chaque fois m’impressionne est la créativité, que ce soit dans la création d’un parcours, dans la thématisation, dans l’aménagement…

Quelle est votre attraction préférée à Liseberg… et en dehors de Liseberg ?

Je crois que mes goûts sont assez proches de ceux de tous les visiteurs et fans ! – j’aime les bons coasters, les dark rides élaborés, les water rides amusants… A Liseberg, aussi surprenant que cela puisse paraître, mon attraction préférée est une attraction que je n’ai pas construit : il s’agit de Lisbebergbanan, ce vieux mine train Schwarzkopf qui serpente sur la colline. Nous allons changer ses trains l’année prochaine, refaire sa station… C’est vraiment un ride qui mérite tout l’amour qui lui est porté ! Au niveau mondial, c’est tellement dur de choisir entre la douceur d’un bon B&M, l’intensité d’un megacoaster Intamin, la créativité d’un Mack Rides nouvelle génération…

Diriez-vous que les perspectives d’emploi sont nombreuses dans l’industrie ?

Certainement ! Encore une fois, votre passion est une précieuse porte d’entrée. Cela étant, j’ajoute toujours un conseil à ceux qui me posent cette question : trouvez aussi des études qui vous plaisent, qu’il s’agisse d’une école d’ingénieur, de cuisine ou d’études de finance, peu importe. Je crois qu’il est important d’avoir un socle d’éducation sur lequel s’appuyer, mais une fois ce pré-requis rempli, les places pour démarrer et vous épanouir au sein de l’industrie du loisir sont nombreuses ! 


Concrètement, regardons Valkyria, votre dernier projet à Liseberg. Quel type de métiers et compétences ont été nécessaires à l’élaboration d’un tel projet ?

Tout projet d’envergure requiert des gestionnaires de projets, des créatifs, un département comptabilité assez robuste pour suivre les finances tout au long du chantier, des ingénieurs pour s’assurer du bon déroulement et de la bonne exécution des travaux, de la maintenance… Il ne faut pas oublier que l’aspect créatif (création du parcours et échanges avec le parc) n’est qu’une toute petite partie, la plus visible, du déroulement d’un projet. La plupart des choses se passent en coulisses, dans l’ombre, mais constituent l’essentiel d’un projet comme Valkyria.

Merci beaucoup, Andreas !

Propos recueillis par Philippe-Minh Nguyen et traduits de l’anglais par Mathis Gullon
Crédit photos : Andreas Andersen, Philippe-Minh Nguyen, Flex

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