Fin septembre, Jinma Rides exposera durant l’IAAPA Expo Europe 2021 à Barcelone. Après l’édition 2019 de ce salon professionnel, à Paris, le fabricant chinois de montagnes russes renouvelle sa présence sur la scène européenne et marque son ambition d’exporter ses produits au-delà du marché intérieur chinois. Il y a 2 ans, nous avons recueilli l’éclairage de David Jia, Vice-Président chargé du développement international de Jinma Rides, sur l’ambitieuse dynamique de l’entreprise anciennement nommée Golden Horse.

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David Jia

« Des opportunités en Europe »

« Les gens nous disent que nous avons des opportunités en Europe » déclare David Jia. L’entreprise basée à Guangzhou a déjà construit une première montagne russe en Tchéquie en 2015.

Le constructeur chinois, qui emploie plus de 200 ingénieurs, vient récemment de créer une filiale européenne située à Berne en Suisse. Nommée Noble Rides, cette antenne régionale met en proéminence son emplacement dans la capitale helvétique. Le choix du nom de domaine « .ch » souligne cette implantation. Le pays alpin jouit d’une certaine réputation pour être à l’origine de deux entreprises emblématiques dans l’industrie des parcs : Intamin et Bolliger & Mabillard.

Le stand de Jinma à Paris lors de l’IAAPA Expo Europe 2019

Un modèle de train à plancher plat exposé à Shanghai lors de l’IAAPA Expo Asia 2019

Aux normes européennes ?

Jinma s’implante dans un contexte de tensions commerciales, où les États-Unis critiquent le gouvernement chinois sur le respect de la propriété intellectuelle. Pour sa part, le constructeur basé à Guangzhou revendique son adhésion aux standards internationaux concernant la sécurité des attractions, parmi lesquelles la norme EN 13814 en vigueur à travers l’Union Européenne.

En 2020, le fabricant chinois a achevé la construction de 10 montagnes russes, un volume supérieur à la plupart de ses concurrents occidentaux. La majorité des réalisations signées Jinma se situent en Chine. Néanmoins, des parcs d’autres pays en Asie ont fait appel à la firme, notamment au Vietnam et en Ouzbékistan.

Une ascension en parallèle avec celle de la Chine

L’usine Golden Horse/Jinma à Guangdong

L’embryon de ce qui deviendra Jinma Rides démarre en 1983. Comment l’entreprise parvient en moins de 40 ans à un tel rythme de commande ?

Avec l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping à la fin des années 1970, le gouvernement chinois libéralise son économie. Les réformes économiques de la période marquent l’ouverture du marché chinois aux investissements étrangers.

L’activité de la future Jinma naît dans ce contexte. Initialement un fabricant d’équipements industriels, en 1983, l’entreprise du Guangdong est chargée d’installer plusieurs attractions au Japon. « Nous nous sommes rendus compte que nous avons les capacités pour réaliser de tels produits. Alors nous avons commencé par faire des auto-tamponneuses, des auto miniatures et des locomotives » raconte David Jia. Le constructeur, dont le nom Jinma (金马) se traduit littéralement par « Cheval doré », adhère à l’IAAPA en 1994, et construit sa première montagne russe en 1997.

De centaines de millions de consommateurs en quête de loisirs

En parallèle, les réformes économiques de Pékin portent leurs fruits : selon la Banque Mondiale, entre l’an 2000 et 2019, le taux de croissance chinois dépasse les 6% chaque année. Conséquence directe, le cabinet de conseil McKinsey estime en 2012 quenviron 175 millions de chinois.e.s font partie de la classe moyenne.

Parmi les 10 plus grands groupes de parcs à thème du secteur figurent 3 conglomérats chinois. (Source : Rapport TEA de 2019)

Ce bouleversement social et économique se traduit par une demande de plus en plus forte de loisirs et divertissements. On dénombre ainsi 1089 parcs d’attractions en Chine, chiffre largement supérieur à tout autre pays dans le monde.

Ce gargantuesque marché chinois profite aux fabricants européens, américains, mais aussi aux fournisseurs locaux. Le parc Universal Studios qui ouvre ses portes ce septembre à Pékin en présente un exemple édifiant. Le nouveau site, dont la construction est estimée à 6,5 milliards de dollars, accueillera 4 montagnes russes. 2 ont été réalisées par un constructeur allemand, Mack Rides. L’attraction vedette Decepticoaster a été conçue par le bureau suisse Bolliger & Mabillard, tandis que Jinma fournit la quatrième et dernière montagne russe de l’ensemble.

Loop-Dee-Doop-Dee, une attraction en intérieur à Universal Studios Beijing signée Golden Horse

La page d’accueil de Noble Rides, nouvelle branche européenne de Golden Horse.

L’avantage du fabriqué en Chine

Le site internet de Noble Rides présente sa tarification abordable comme un de ses principaux arguments de vente.

Malgré une augmentation progressive des salaires, les coûts de production demeurent nettement inférieurs en Chine. On estime ainsi le coût du travail dans l’industrie chinoise à 5,5€ de l’heure contre 40€ en France (Sources Insee et Statista). Avec un volume de 260 attractions en moyenne par an selon David Jia, la firme du Cheval doré réalise aussi des économies d’échelles et comprime ainsi davantage ses coûts.

Le Suspended XGC-16B figure parmi les modèles originaux récents de Golden Horse

Une gamme de produits diversifiée

En outre, le Vice-Président de la marque chinoise vante son catalogue diversifié : « Nous sommes capables de fournir clé en main toutes les attractions d’un nouveau parc. » En plus des montagnes russes, le constructeur réalise également des attractions aquatiques, carrousels ou encore des grandes roues.

Alors que les modèles plus anciens de Jinma imitaient largement leurs équivalents européens, le constructeur chinois s’efforce depuis plusieurs années à concevoir des produits davantage innovants. La marque introduit un nouveau type de rail à partir de 2017, et multiplie dès lors l’élaboration de parcours originaux. « Environ 60% de notre chiffre d’affaires provient de projets personnalisés selon les demandes du client » affirme M. Jia. De plus, l’entreprise possède une équipe spécifique en charge de concevoir des décors en collaboration avec des partenaires extérieurs.

Battle of Jungle King à Sunac Land Wuxi

Égaler les constructeurs états-uniens et européens ?

Les plus ambitieux projets de la firme chinoise ne semblent pas encore recueillir un succès critique égalant la concurrence occidentale. En visite à Sunac Land Wuxi en 2019, Richard Bannister, éditeur assistant du magazine First Drop remarque ainsi que malgré « l’apparence générale [de la machine] spectaculaire », Battle of Jungle King est « la pire attraction » de son voyage en Chine. L’application Captain Coaster recèle plusieurs avis se concordant en ce qui concerne le manque de confort de cette montagne russe.

Pour sa part, Jinma insiste sur la constante amélioration de leur qualité de production. « Nous avons acheté une machine de pliage 3D importée depuis l’Europe » précise David Jia.

Par ailleurs, Le fabricant vient d’introduire un nouveau modèle de train équipé de vestes souples. Depuis une dizaine d’années plusieurs constructeurs européens utilisent ce système de maintien des passagers. Par exemple, en 2017, l’entreprise néerlandaise Vekoma a remplacé les harnais rigides par des vestes sur les nouveaux trains d’Hyperspace Mountain à Disneyland Paris.

Par ailleurs, la firme de Guangzhou inaugure cette année sa toute première montagne russe à accélération magnétique (LSM). Un produit en vogue : presque tous ses concurrents occidentaux, d’Intamin à Mack, en passant par Vekoma, proposent ce type d’attraction. Plusieurs nouveautés de premier plan conçues par la concurrence sont équipées de LSM comme Velocicoaster dans le parc Universal Islands of Adventure en Floride, ou Toutatis, la future nouveauté du Parc Astérix prévue pour 2023.

Noble Rides/Jinma présente 3 modèles sur son site internet. Un coaster familial, un launch coaster, ainsi qu’un spinning coaster à inversion.

À travers sa nouvelle filiale suisse, Jinma semble donc chercher à concurrencer les constructeurs occidentaux sur leur propre terrain – autant géographique que technologique.

Philippe-Minh Nguyen
Septembre 2021
Source Photos : Philippe-Minh Nguyen et Jinma Rides (sauf mention contraire)
Correction : Jinma a abandonné le nom « Golden Horse » pour se recentrer sur son nom initial chinois.