Plus besoin de ticket d’entrée à Universal Studios Beijing : les visiteurs peuvent franchir les portes du nouveau parc d’attraction pékinois au moyen de la reconnaissance faciale. En effet, le groupe Universal Studios a signé un partenariat avec Alibaba, l’un des géants numériques dans l’Empire du Milieu. Aux portiques d’entrée, des caméras identifient les visages et les associent en temps réel aux comptes Alibaba utilisés pour acheter en ligne sa place. Ainsi on observe les technologies numériques au service des parcs d’attractions – dès le premier pas.

(Images : Universal Studios Beijing)

Par ailleurs, Universal Studios Beijing utilise également la reconnaissance faciale pour le système de casiers, la commande de repas, ou encore la réservation de coupe-files. Mais, il ne s’agit que d’une application des nouvelles technologies dans le secteur du loisir parmi d’autres. De la gestion de l’attente aux ressources humaines, voici un tour d’horizon des technologies numériques aux service des parcs d’attraction.

L’informatique et les parcs, une association plus ancienne qu’il n’y paraît

La reconnaissance faciale représente un champ d’application très visible et récent de l’informatique dans le loisir. Pourtant, dès les années 1970 les outils informatiques servent à optimiser le fonctionnement de certains parcs d’attractions précurseurs.

Un serveur informatique au début des années 1970. (Image : Pacific Northwest National Laboratory)

Dès son ouverture en 1971, le resort Disney World en Floride connaît une affluence et des temps d’attente vertigineux. Bruce Laval, titulaire d’un MBA spécialisé dans les opérations et récemment recruté par le groupe Disney, exploite des simulations par ordinateur pour (notamment) maximiser le débit horaire des monorails du site floridien. Le jeune ingénieur industriel observe que le surnombre de véhicules réduit la vitesse d’exploitation sur le parcours du monorail. Par conséquent, contre toute attente, le jeune ingénieur industriel démontre qu’il s’avère plus efficace de retirer un train de la circulation.

Bruce Laval convainc la direction de Walt Disney World de réduire le nombre de monorails en circulation à 4 trains. (Image : Gerhard Huber)

L’expérience réussie, Bruce Laval gravit les échelons. Il devient en 1995 le Vice-Président Exécutif en charge des Opérations pour l’ensemble de Walt Disney World. A ce titre, il dépose en 1999 le brevet du système FastPass. Au lieu d’attendre dans une file, chaque visiteur se procure un ticket avec un créneau horaire ultérieur pour revenir profiter de l’attraction. Un ordinateur local stocke les données d’usage des tickets et détermine ainsi l’horaire de retour. Ainsi conçu par le groupe Disney à l’aube du nouveau millénaire, le principe de file d’attente virtuelle se généralise dans le secteur des parcs à thème.

La conception d’attractions assistée par ordinateur

A partir des années 1990, les ordinateurs révolutionnent également la conception des attractions. Par exemple, en 1998, pour construire la montagne russe Tennessee Tornado, l’équipe d’ingénieurs d’Alan Schilke a codé de nouveaux logiciels afin de concevoir chaque élément du parcours beaucoup plus facilement. Dans une interview pour American Coaster Enthusiasts, l’ancien designer du fabricant américain Arrow précise : « Auparavant, si l’on souhaitait construire un looping plus ample que les mesures standard, cela prenait des semaines d’analyse et de calculs. Nous avons réduit la durée de ce processus à une heure seulement. »

Vue d’ensemble de Lech Coaster en Pologne, en phase de conception (Image : Vekoma)

Désormais, « les outils de conception assistée par ordinateur et des outils de calcul sont d’une précision qui excède ce qui est nécessaire pour produire les composants d’une montagne russe«  renchérit Benjamin Bloemendaal, ingénieur principal du fabricant néerlandais Vekoma. Aujourd’hui, les logiciels peuvent affiner la conception à 16 chiffres après la virgule. Mais, selon M. Bloemendaal, « ce sont les méthodes de production, le contrôle qualité et les dynamiques physiques déterminées par les mathématiques » qui garantissent in fine la qualité de fabrication d’une attraction.

(Image : Vekoma)

Par ailleurs, des capteurs, autre sujet de processus informatique continuent de servir une fois l’attraction ouverte. La collecte de « données empiriques nous permet d’améliorer la performance de notre produit. […] Des données en nombre suffisant font que nous pouvons rendre les futures montagnes russes encore meilleures. » L’ingénieur en chef de Vekoma explique que cette analyse de données permet aussi d’ajuster la performance des attractions actuelles.

La pandémie accélère le passage au numérique des parcs d’attraction

L’épidémie de la Covid-19 bouleverse davantage le fonctionnement des parcs selon l’impératif des protocoles sanitaires. Limiter les contacts physiques devient impératif. Selon une analyse du prestataire’Omnico, 3 parcs sur 10 ont récemment mis en place des systèmes de paiement sans contact.

(Image : Blooloop)

Camiel Kraan, co-fondateur Convious

Cette transition s’avère plus ou moins aboutie selon les pays. « Beaucoup d’allemands avaient l’habitude de payer en liquide. La Covid-19 a mis fin à cela, ce qui a été notre plus grand défi sur ce marché » explique Camiel Kraan, co-fondateur de Convious, une solution digitale clé-en-main destinée aux destinations de loisir et culturelles. 57% des consommateurs allemands utilisent davantage le paiement par carte depuis la pandémie, selon la BBC.

Désormais, les visiteurs du Parc Astérix peuvent ainsi commander leurs repas depuis l’application mobile du parc. Cela s’ajoute à la possibilité d’acheter des coupe-files dits « Filotomatix » pour accéder aux attractions sans faire la queue.

Gérer les fortes affluences par assistance informatique

L’achat sur téléphone des « Filotomatix » au Parc Astérix illustre un des moyens dont disposent les parc d’attractions pour gérer leur capacités.

La réservation des billets sur internet, à l’avance, permet aux parcs d’anticiper leur fréquentation sur une période donnée. Par conséquent, chaque exploitant peut ajuster le nombre de personnel sur site et ainsi optimiser ses coûts de fonctionnement.

« On crée des incitations avec des prix légèrement réduits mais à un horaire plus tardif dans la journée. C’est un des outils que nous utilisons pour optimiser la répartition des visiteurs. » précise le PDG de Convious.

La billetterie de Avonturenpark Hellendoorn, un exemple de tarification dynamique opérée en partenariat avec Convious.

Les restrictions sanitaires invitent également à mieux répartir et harmoniser l’affluence selon les jours et périodes. « Énormément de parcs affichent complet les samedis, et ont peu de visiteurs les autres jours. Avec notre technologie, on permet aux parcs, pas à pas, d’optimiser le taux d’occupation et de satisfaire le client de l’autre côté. » ajoute Laure de Montalier. « Car quoi de mieux pour vous et moi que de commencer une journée dans un parc sur une attraction sans attendre ? » remarque la Directrice France de Convious.

Laure de Montalier, Directrice France Convious
Walibi Holland virtual queue El Rio Grande QR code

Montrer un QR code à l’entrée de l’attraction pour immédiatement en profiter, voilà comment fonctionnent les files d’attentes virtuelles à Walibi Holland (Source : Accesso)

Par ailleurs, de nombreux parcs inaugurent ou intensifient leur propre système de file d’attente virtuelle. Walibi Holland – parmi d’autres – a fait ce pari afin de garantir la distanciation sociale lors de la saison 2020. Cet outil technologique développé par Accesso pour le parc néerlandais s’ajuste en temps réel en fonction des flux de visiteurs et des changements opérationnels au niveau des attractions.

Des notifications pour faciliter la distanciation sociale

Aussi, le partage d’une connexion internet wi-fi permet également d’identifier plus finement les endroits de forte affluence. L’intelligence artificielle exploite ces informations informatisées. « Dès qu’une zone devient très occupée, nous pouvons envoyer des notifications push aux téléphones portables. » explique M. Kraan. Par exemple, ces messages peuvent être « un coupon de réduction pour un stand de nourriture situé à l’autre côté du parc. » ajoute le co-fondateur de Convious. En d’autres termes, les visiteurs reçoivent des incitations pour se rendre dans d’autres zones et ainsi faciliter la distanciation physique.

Un exemple de promotion proposée par le parc Fun Fort, en Allemagne

Alors que les protocoles sanitaires s’assouplissent, le besoin de répartir les visiteurs à travers toutes les zones d’un parc reste pertinent. La gestion des foules se fonde donc sur les capacités d’accueil et les créneaux horaires. Le but : s’assurer que « en fin de journée, vous n’aurez pas un nombre excessif de personnes au sein du parc », résume Camiel Kraan.

S’évader malgré les écrans ?

Néanmoins, l’usage accru des nouvelles technologiques soulève des interrogations. Désormais, Instagram propose pour les adolescents une fonction pour mettre l’application « en pause ». La décision du réseau social américain constitue un exemple de réaction à la fatigue numérique que soulève de nombreux professionnels de santé. Une étude partage par le National Institutes of Health américain en atteste, avec néanmoins certaines nuances.

(Image : Instagram)

Ainsi, certains parcs font – pour le moment – un pas en arrière sur des fonctionnalités technologiques. Par exemple, en 2019, le parc Alton Towers en Angleterre a retiré la Réalité Virtuelle de la montagne russe Galactica. Introduite en 2016, l’option de porter des casques VR à bord n’aura donc duré que 3 ans. Le resort britannique explique sa décision par les avis des clients sur l’attraction.

Mais alors, comment proposer aux utilisateurs une interface digitale réussie ? Laure de Montalier explique vouloir « une expérience mémorable sur place, mais une expérience oubliable en ligne« . Simplifier pour les visiteurs le processus d’achat sur internet. Leur éviter « d’avoir à faire 1000 clics », voilà en somme le but à atteindre pour toute application selon la Directrice France de Convious.

Personnaliser les applications mobiles grâce à l’analyse de données

Par ailleurs, Convious met en avant la nécessité de bien adapter les applications mobiles au profil des visiteurs de chaque parc. « Se contenter d’ajouter des fonctionnalités en vrac et espérer que les utilisateurs s’en serviront pour augmenter vos revenus n’est pas le bon angle d’attaque. » met en garde le PDG de la startup néerlandaise. « Vous devez tout d’abord comprendre qui sont vos utilisateurs, qu’aiment-ils et que n’aiment-ils pas, comment se comportent-ils. »

Nouveau partenaire britannique de Convious, le parc de Drayton Manor vise principalement une clientèle familiale et régionale. (Image : Drayton Manor)

La collecte de données et son analyse devient alors cruciale pour moduler ces outils numériques pour le visiteur. « Nous surveillons toujours la manière dont les visiteurs se servent du tunnel d’achat […] : le choix du jour de visite, le nombre de personnes dans un groupe, etc. »

Ella Baskerville, Business Development Manager chez nos confrères britanniques de Blooloop, acquiesce. Pour ce qui est des débouchés futurs, « l’utilisation des données sera le plus grand créneau pour l’industrie. » affirme t-elle. « Le poste de Data Analyst peut sembler ennuyant au premier abord. Mais ça peut supposer de calculer combien de kilogrammes de glace sont nécessaires aujourd’hui, ou comment alimenter les girafes » étaye Mme Baskerville.

Rendre la technologie accessible

Ces nouveaux débouchés au sein de l’industrie du loisir reflètent une tendance globale sur le marché du travail. Ainsi, une étude du réseau social professionnel LinkedIn chiffre le nombre de futurs emplois créés par les nouvelles technologies à 150 millions. Cependant, la population dans son ensemble ne possède pas toujours les compétences technologiques désormais recherchées par les recruteur.euse.s.

L’équipe de Convious devant le siège d’Amsterdam

Dès lors, comment se former et se familiariser avec ces nouveaux outils digitaux ? Camiel Kraan insiste sur l’accompagnement-sur-mesure que Convious propose auprès de ses parcs et musées partenaires. Intitulée « Convious Academy », le programme propose tout d’abord une équipe dite « customer success [qui] peut se rendre sur place, former les équipes et comprendre ce qui marche le mieux sur place. »

Deuxièmement, la startup néerlandaise offre à ses partenaires un ensemble de cours, d’études et de littérature scientifique pour optimiser l’usage de son logiciel. « Nous procurons [à nos partenaires] le plus d’outils que nous pouvons pour réussir » conclut M. Kraan. Aussi à l’échelle de l’industrie dans son ensemble, les formations pour perfectionner l’analyse des données informatiques deviennent présentes. En atteste ce webinaire proposé fin juin par l’IAAPA.

En proie à des difficultés à recruter du personnel, Cedar Point ouvrit ses portes moins de jours que d’habitude durant l’été 2021. (Image : Toledoblade)

Les solutions digitales font évoluer le travail – et le recrutement – des employé.e.s des parcs

En juillet 2021, Cedar Point se vit contraint de fermer ses portes durant certains jours de l’été. En effet, le célèbre parc de l’Ohio connut alors une pénurie d’effectifs. Ainsi, au sortir des confinements, le secteur du loisir comme celui de l’hôtellerie a pu souffir de difficultés de recrutement.

Par conséquent, la question des conditions de travail au sein des parcs devient un enjeu pour attirer des candidat.e.s. Selon Camiel Kraan l’optimisation interne du fonctionnement grâce aux outils informatiques contribue à améliorer le quotidien des employé.e.s. « Nous éliminons beaucoup de travaux manuels, d’inefficacités comme des logiciels vétustes qui nécessitent beaucoup d’entretien. » opine le co-fondateur de Convious.

L’équipe fraîchement recrutée de Majaland Praha, en Tchéquie (Photo : Sophie Billiauw)

Aussi, la billetterie informatisée permet d’optimiser le recrutement pour chaque exploitant. « Nous pouvons anticiper le nombre de visiteurs chaque semaine, chaque jour, pour ainsi prévoir le nombre d’employés dont vous aurez besoin. » explique M. Kraan. « Nous sommes en train d’étudier comment [directement] communiquer ces informations aux agences de recherche d’emploi. » ajoute t-il. En somme, la technologie se montre présente dans les attractions dès les portiques d’entrée – autant pour les visiteurs que pour les employés.


Philippe-Minh Nguyen
Avril 2022

Images de Couverture : Flex et Holiday Park