Dimanche 22 avril 2018. Le soleil est au beau fixe lorsque nous découvrons le Parc des Combes, au Creusot. Nous nous baladons dans ce parc joliment aménagé construit sur deux étages : près de l’entrée se trouvent des manèges pour enfants ainsi qu’une luge d’été et un alpine coaster. Sur la colline voisine (ça grimpe !) sont construits quelques attractions, sur un terrain bien pentu !

C’est sur la terrasse du restaurant du parc que nous avons eu le plaisir de rencontrer Mathieu Chevalier, directeur du parc, qui a répondu à toutes nos questions avec beaucoup de passion.

Pouvez vous nous expliquer la genèse du parc ?
Mathieu Chevalier : Creusot Loire Industrie (NDLR : société sidérurgique du Creusot) a déposé le bilan en 1984 : beaucoup de gens se sont retrouvés en pré-retraite et ont cherché à faire autre chose. C’est ainsi qu’est né le chemin de fer touristique.  Au départ, il y avait 2 km 1/2 de voies, ouvertes en 1990 surtout gérées par des passionnés, dont mon père fait partie. D’ailleurs, il est toujours président de l’association.
Au bout de quelques années, l’idée d’ajouter des activités de loisirs pour que la recette continue de fonctionner a émergé. Au départ, il s’agissait de mettre une luge d’été. J’étais tout petit, et j’ai donc visité plein de luges d’été en France, en Suisse, partout ! J’essayais les circuits pendant qu’ils discutaient de technique. La luge d’été est donc arrivée au Creusot et a été un succès énorme : il y avait 2 km de bouchons pour venir !

L’association a commencé à gagner de l’argent petit à petit. Ensuite, on a construit le Déval’ Train, et chaque année on essaie d’ajouter quelque chose en fonction de ce qu’on gagne. On progresse pratiquement chaque année.

Nous attendons souvent la fin de l’été pour nous décider, puisque 60% de notre chiffres d’affaires est réalisé en juillet-août. Donc si c’est un très bel été, et même si la saison Halloween s’avère être en-dessous des attentes, nous savons que nous pouvons investir l’an prochain.
Le Woodside, par exemple, n’était pas prévu cette année. Mais comme finalement on a fait 27% de progression en 2017, on n’a pas voulu casser la dynamique.

Parc des Combes

Woodside, la surprise de 2018 !

D’ailleurs, combien de visiteurs avez-vous reçu en 2017 ?
On estime la fréquentation à 240000 visiteurs. Je nuance le chiffre en disant qu’il s’agit de 240000 personnes qui entrent dans le parc, mais ce ne sont pas forcément des visiteurs payants. Sinon on aurait un chiffre d’affaires qui serait plus intéressant et d’autres capacités d’investissement ! (rires)
On peut entrer dans ce parc librement pour juste venir ici, ou faire des tours de manège à l’unité. Ca dépend de la période de la saison, mais pendant les vacances et les week-ends par exemple, on a beaucoup de locaux qui viennent se promener, sans forcément beaucoup consommer. Sur d’autres périodes, les clients viennent à la journée (11h-18h) et achètent des entrées pour toute la famille.
Nous n’avons donc pas de comptage précis. Nous sommes partis d’un chiffrage et notre estimation est faite à partir de notre chiffre d’affaires.

Mais pensez-vous à un moyen pour comptabiliser les visiteurs ?
Aujourd’hui, on peut rentrer par plusieurs accès… Mais je pense que ça arrivera petit à petit car nous avons retravaillé toute l’entrée. Elle n’est pas encore terminée à ce jour : l’arche qui est faite va être repeinte et il y aura des panneaux. Tout a été clôturé, notamment pour des raisons de sécurité, par rapport aux demandes de la préfecture. Tout ce qui est le long de la route devra être clôturé également.
Donc, on sera finalement obligés de passer par l’entrée pour pénétrer dans le parc, et on pourra ainsi mettre un système de comptage.

Quelles sont vos capacités d’extension, en termes de terrain ?
Autour du Canad’R, toute la plateforme plate ainsi que tout ce qui est derrière le Boomerang, en capacité proche. Après, on peut imaginer d’autres choses… Il y a de la place !

Parc des Combes

Sacrée vue, depuis le haut de la colline

Justement, en termes d’investissements, vous êtes assez ambitieux, le Junior Boomerang était une première mondiale avec celui de Drayton Manor, le Canad’R est également une attraction originale. Comment choisissez vous vos attractions ?
Le Canad’R était une opportunité que Technical Park nous a offerte puisque c’est un manège reconditionné. Il était à Milan. Ils l’ont bien refait : on a juste changé deux trois petites choses techniquement. On a eu un prix canon là-dessus. Cela s’explique aussi car ce n’est pas un manège qu’on peut installer dans un parc à grosse fréquentation. Avec 8 personnes à chaque cycle, on a un débit très limité… Et c’est également très segmentant puisque tout le monde ne va pas le faire.

Parc des Combes

Le Canad’R, dont on pilote la nacelle soi-même

On essaie à chaque fois d’avancer sur la sensation et sur la famille. Comme vous pouvez le voir, on est très portés sur la famille avec des manèges pour les tout petits.
Ensuite, tout dépend des saisons. On va faire les salons, on va voir ce qui se fait de nouveau. On aime bien ne pas avoir la même chose que tout le monde. On aime bien les attractions où les gens sont un peu acteurs : même avec le Woodside, tourner la poignée de la moto a un petit côté sympa. De même pour le Canad’R, la luge etc…
Donc programme ambitieux peut-être, oui. Après, grâce à notre côté associatif, on n’a personne qui attend les dividendes à la fin de l’année : ce qu’on gagne, on va pouvoir le réinvestir dans des attractions.

Et également dans l’aménagement paysager du parc ?
Ce qu’il faut préciser, c’est que tous les espaces verts sont à la ville du Creusot : ce sont des terrains municipaux. On a une convention d’utilisation des terrains.
En fait, tout ce qui est construit au-dessus (NDLR : la partie haute du parc), et tout ce qui est au sol, c’est la ville. Donc, on a la chance d’avoir aussi son soutien sur ces aspects, ce qui explique aussi que l’entrée est gratuite.

Vous avez des permanents, des saisonniers et des bénévoles qui travaillent avec vous.
Des bénévoles, de moins en moins. L’activité s’étant développée et professionnalisée, le bénévolat intéresse moins de monde. Surtout sur la conduite des trains notamment, on a encore des passionnés. On peut dire qu’on a une dizaine de bénévoles actifs, et cela reste quand même un élément important.

Le parc est très vallonné, et vous arrivez tout de même à caser des attractions…
Ce n’est pas toujours facile. Pour prendre l’exemple du Junior Boomerang de Vekoma, il a fallu l’installer en retravaillant les poteaux en hauteur. Ça coûte plus cher ! On se dit qu’il y aura moins de poteaux, donc que ce sera moins cher, mais ce n’est pas le cas puisqu’ils doivent refaire une étude spécifique au terrain. Sur le catalogue, tout ce qui est vendu est destiné à un terrain plat.

On parle éventuellement d’un grand flume, mais il ne pourrait être installé qu’en haut car il doit être placé à plat. Le problème, c’est d’emmener l’eau dans ces hauteurs et de pouvoir l’évacuer… Des problèmes de réseau, qui aujourd’hui s’arrête à l’entrée du parc.
Du coup, on travaille avec la communauté de communes pour tenter d’avoir des réseaux qui s’étendent jusqu’en haut. Ça coûterait une fortune de les monter… Ce n’est pas comme une grosse société de parcs d’attractions qui va faire un projet, une étude de marché (tant de personnes en tant de temps)… Nous, ce n’est pas comme ça : on met une brique par dessus l’autre, petit à petit.

Justement, avez-vous une vision à court et à long terme de vos futurs investissements ?
On a une vision pour toute la plateforme supérieure, avec des investissements familiaux, peut-être amener des attractions aquatiques, un restaurant…
Pour l’instant, nous n’avons en effet qu’un restaurant pour manger le midi. Aujourd’hui, il n’y a pas grand monde donc ça va, mais on est très limités à la fois en termes d’offres car on a peu de place pour préparer les choses, et également en termes de population qu’on peut accueillir. Jeudi dernier (NDLR : 19 avril 2018), c’était bondé car on a fait une journée d’été et on est arrivés à saturation au niveau du restaurant. Il faut qu’on construise un nouveau bâtiment. L’idée est de ne pas faire la même chose que celui-ci. J’aimerais faire une pizzeria, car la pizza c’est sympa et tout le monde aime !
On est également en train de réfléchir aux solutions pour amener les gens vers les hauteurs. Un système de remontée mécanique au sol ? Est-ce qu’on y fait monter le train touristique ? Et pourquoi pas, plus tard, faire les animations de Noël là-bas ? Peut-être également déplacer le carrousel vers cette partie ? On a plein d’idées…
Pour l’instant, on a les manèges pour les petits en bas, et les sensations en haut. Ça n’a pas vocation à rester comme ça : on souhaite mixer les choses. On ramènera pas de la grosse sensation en bas car l’espace est pris, mais on aimerait amener la famille jusqu’en haut.

Quelle est votre capacité maximum d’accueil, d’ailleurs ?
Nous n’en avons pas. On est très larges en termes d’attractions, ce sont surtout les snacks et les toilettes qui seront le facteur limitant. C’est tous les à-côtés, qui par contre apportent rapidement des critiques négatives sur les réseaux…
Les sanitaires appartiennent à la ville du Creusot. On ne les gère pas, on ne peut que faire remonter les doléances. C’est donc moins réactif que si on les gérait en interne.

Et comment ça se passe avec les riverains ?
On travaille main dans la main avec la municipalité, pas au quotidien mais presque. Ils nous soutiennent sur tout ce qui est aménagement au sol.
Concernant les riverains, on a eu quelques soucis avec le Canad’R qui faisait un peu de bruit. On en a tenu compte et on a modifié le programme. On sait qu’il y a quelques riverains qui aimeraient qu’on ne se développe pas plus qu’actuellement. On est pas les seuls cependant : il y a également un stand de tir juste à côté. On fait attention aux nuisances qu’on peut apporter.
Il faut quand même se souvenir qu’il y a 30 ans, il y avait une déchèterie ici, au bout de la piste de karting, et que les rats se promenaient partout sur la montagne. Alors d’accord, il y a du monde qui vient, mais il y a un cadre aménagé en contrepartie, qui est quand même sympa ! Et puis il faut aussi penser aux emplois qu’on apporte. Pour Le Creusot, cette ville industrielle qui a connu des difficultés dans les années 80, ça apporte un vrai plus en termes d’image. Pour des entreprises comme Safran ou bien Mittal, qui cherchent à recruter des ingénieurs et CSP+, on sait que le Parc des Combes est un atout mis en avant pour leur expliquer qu’il y a des activités à faire ici avec leurs familles ! On est un facteur d’attractivité certain pour la ville.

Combien de salariés travaillent au parc, aux différentes périodes de l’année ?
Entre les CDD et les CDI, nous sommes 8, pour monter l’été à 35-40 personnes en incluant les saisonniers. L’hiver, nous sommes une petite équipe, ce qui nous force à être polyvalents. Par exemple, pour l’avancée du restaurant sur laquelle nous faisons cette interview, nous avons pris 3-4 jours cet hiver pour la faire de nos propres mains avec mon directeur technique ! De même pour la cabine du Woodside 66 : on a récupéré une vieille cabane près du chemin de fer. Avec mon responsable technique, on l’a réaménagée ici. Ça nous change des bureaux, ça nous fait du bien !

Parc des Combes

La cabane du Woodside

Ce côté artisanal nous fait penser à Fraispertuis City, qui, devant les montants demandés par les prestataires pour le terrassement de son Splash Battle, avait préféré louer à un ami les machines afin de réaliser lui-même les travaux…
On était d’ailleurs allé voir M. Fleurent en 2014, sous l’impulsion de Soquet : il venait d’ouvrir son Baby Flume ; le nôtre est arrivé un an après. Ce qui est bien, c’est que nous partageons avec Fraispertuis City les mêmes problématiques et qu’il n’y a aucune concurrence : on peut donc s’échanger les informations et discuter de manière totalement libre. Je ne suis pas très inquiet de la concurrence dans les parcs, de manière générale : les gens tournent beaucoup aujourd’hui et se font leurs avis.
Je connais également Le Pal ; même si on a plus trop d’échos, ils ne nous appréciaient pas plus que ça il y a quelques années, mais d’un autre côté, nous n’avons pas grand-chose à voir, ils ont les animaux pour eux… Les gens aiment bien aujourd’hui comparer les parcs, et ça n’est pas un souci. Moi-même, je vais parfois au Pal en tant que visiteur, et on y passe toujours une bonne journée.
Ce qui me plait moins dans ce genre de parcs, ce sont les attentes aux attractions. Le problème est le même à Walibi Rhône-Alpes : on peut passer une heure à attendre. J’ai vu que Le Pal essayait de réaménager un petit peu sa disposition, en intégrant des attractions dans une autre partie du parc, pour répartir les flux.
En somme, on peut être a priori en concurrence sur une zone géographique donnée, mais les gens ne se contentent plus de faire un parc à l’année. Ils vont partir moins longtemps et moins souvent en vacances et, pour compenser, multiplier les courts séjours, comparer, essayer ce qui se fait ici et là…

D’ailleurs, les visiteurs semblent aussi devenir de plus en plus experts, à faire beaucoup plus attention au type de manèges, à être plus exigeants…
Oui, nous le voyons clairement : les gens ont beaucoup plus d’attentes qu’auparavant. À partir du moment où ils paient l’entrée, ils oublient  le fait que nous sommes avant tout une association.
L’été dernier par exemple, j’étais à Walibi lorsque une panne de transformateur électrique est survenue. C’était la plus grosse journée du mois d’Août dernier, Le Pal était complet, et nous avons eu des reports de visiteurs au Parc des Combes. Mais la moitié de nos attractions étaient en panne. J’ai passé ma journée au téléphone, à voir si Enedis pouvait changer les 3 fusibles responsables… Alors qu’on cherchait des solutions opérationnelles (on pensait prolonger les horaires d’ouverture par exemple), les gens demandaient directement un remboursement. On a du gérer ces attentes sans avoir de visibilité sur le temps de remise en route des attractions : nous avons donc fini par remettre des tickets aux visiteurs pour qu’ils puissent revenir.

L’une des solutions ne serait-elle pas justement de communiquer sur votre aspect associatif ?
On en parle quand on en a besoin, mais ça n’est pas quelque chose qu’on met systématiquement en avant, car l’associatif est parfois confondu avec l’amateurisme. On tient à notre image de parc professionnel.

Si vous deviez faire votre Top 3 de coasters sur Captain Coaster, site de notation de montagnes russes, à quoi ressemblerait-il ?
J’ai beaucoup aimé Timber Drop chez Fraispertuis City,  et Timber, le wooden coaster de Walibi Rhône Alpes. J’ai eu la peur de ma vie dans Tonnerre de Zeus, parce que ça bouge beaucoup. Je me disais « on passera jamais les virages », et pourtant, si ! Ça fait partie de la sensation (NDLR : Vraiment? ?). Timber est beaucoup plus doux, on l’a fait deux fois avec ma fille, on a adoré. Et puis enfin, je sais qu’il va être changé, mais je suis fan de Rock’n’Roller Coaster à Disneyland Paris… et d’OzIris, aussi !

 

Un grand merci à Mathieu Chevalier de nous avoir accordé son temps !

 

Propos recueillis par BenJ et Florian
Avril 2018
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