Gröna Lund. Liseberg. Voilà deux noms qui devraient sûrement évoquer, au choix, de doux souvenirs ou des visites fantasmées à la plupart d’entre vous. Il s’agit des deux grands parcs d’attractions suédois, que tout « parkfan », ou « coasterfan » se doit de visiter à l’occasion. Rares sont ceux qui en reviennent déçus : leurs cadres, leurs offres d’attractions, la qualité de leurs opérations en font, à minima, deux des parcs d’attractions les plus courus d’Europe par les fans.
En 2016 : coup de tonnerre. Un troisième parc, Kölmarden, ouvre Wildfire, un grand-huit de la firme américaine Rocky Mountain Construction, dont les réalisations ne cessent de faire baver professionnels comme passionnés depuis 2011.
L’argument de la distance ne tenant plus, étant donné la prolifération de vols low-costs, il n’en fallait pas plus pour qu’une partie de l’équipe et quelques membres de Coasters World foncent découvrir ce pays unique.
C’est avec une passion sincère et communicative que les équipes des trois parcs nous ont accueillis, nous faisant découvrir les coulisses de leurs parcs et nous permettant d’échanger au sujet de l’industrie du loisir. À travers cette série de 3 reportages, nous vous proposons de revenir sur nos visites au travers de photos et anecdotes exclusives !
Quelque part, à Stockholm…
Stockholm, capitale insulaire de la Suède, est l’une de ces villes du Nord à l’architecture élégante, mais pas écrasante : on se laisse surprendre, au détour d’une rue, par les variations de tons pastels des façades. Au fil de l’eau, entre deux mâts, se distinguent des structures « anormales ». Quelques tours se dressent côte à côte et, conjointement, une sorte de serpent vertical impose sa silhouette.
Il s’agit ni plus ni moins de Gröna Lund, parc d’attractions mythique de Stockholm. Cela tombe bien : c’est l’objet de notre premier article !
Il est 9h du matin. Stockholm est réveillée, mais Gröna Lund dort encore (l’été, les horaires du parc sont décalés, le parc ouvrant en fin de matinée pour fermer à 22 ou 23h). C’est pourtant à 10h que nous avons rendez-vous avec Peter Andersson, responsable attractions de Gröna Lund.
Gröna Lund, un parc historique
Créé en 1883, Gröna Lund est un parc qui a de l’histoire. Il est très facile de rejoindre le parc à pied depuis le centre-ville, mais pour les plus impatients, qui ne sauraient prendre le temps d’admirer la skyline du parc prenant progressivement forme au long de l’eau, des trams et bus (tram 7 et bus 4, précisément), ainsi qu’un ferry, desservent le lieu.
Plus qu’un simple parc d’attractions (aussi ancien soit-il), Gröna Lund est un lieu de vie, faisant partie intégrale du mode de vie des habitants de la ville. En effet, en plus d’être un parc à l’offre bien complète, Gröna Lund est aussi, dans la période estivale, un lieu d’accueil pour une cinquantaine de concerts de plein air. L’entrée au parc seul coûte 12 euros, ou 25 euros pour un pass saison ; à vous de rajouter des coupons si vous souhaitez faire des attractions (ou un bracelet à 35€ vous permettant d’en faire de manière illimitée).
Le parc, le plus vieux de Suède, a grandi en parallèle avec la ville, si bien que personne n’ose aujourd’hui freiner ses ardeurs de développement..
Les ajouts, contraints par l’insularité, requièrent une ingéniosité particulière de la part de ses équipes créatives. Ca tombe bien : le parc en a à revendre, si bien que tout paraît parfaitement optimisé… Jusqu’à qu’une nouvelle attraction fasse son apparition à un nouvel emplacement insoupçonné. Exemple le plus frappant : Twister dont l’emplacement et les interactions avec Kvasten ou Jetline sont prodigieux. Il faut être sur la jetée qui entoure ce coaster, à la tombée de la nuit, pour comprendre le charme de Gröna Lund. C’est irrésistible.
Une autre tendance, pour palier ce manque de place, est à la hauteur. La nouveauté 2017 du parc en est l’exemple le plus parfait. Ouverte le 29 Avril dernier, Ikaros, du constructeur Intamin sera la « petite » Falcon’s Fury suédoise avec 2 nacelles autonomes de huit places chacune. Cette tour de chute libre propose une expérience des plus originales, puisque elle s’incline à 90° face au sol avant d’entamer sa chute libre de 90 mètres de haut. Vous avez le coeur bien accroché, j’espère ? 🙂
Le parc aujourd’hui
Geré génération après génération par la famille de Jacob Schultheiss jusqu’en 2001 (forain qui avait loué une parcelle de terrain pour y installer un carrousel en 1883), le parc a été repris en 2006 par Parks & Resorts Scandinavia, groupe qui comprend notamment Skara Sommerland et Kolmarden, deux autres parcs suédois, mais aussi Furuvik et Aquaria. Le groupe est géré par Johan Tidstrand et Mattias Banker, deux véritables passionnés de parcs d’attractions.
Le groupe, créé en 2006, a de très grandes ambitions. Les premières années ont avant tout consisté en un un contrôle des coûts accrus (en 2009, le groupe générait 12M de chiffres d’affaire supplémentaire mais… n’en tirait aucun bénéfice). Le duo s’est acharné sur les détails, comme la responsabilisation des employés. La recette a marché, et leur permet désormais d’effectuer de gros investissements. Tidstrand et Banker ont toujours été ambitieux, et avaient déjà dès leurs débuts, en privé, l’ambition « d’apporter un peu de rock’n’roll dans l’industrie des parcs à thème suédois », selon leurs propres dires.
Mais d’un groupe très secret, leurs ambition se révèle petit à petit au grand jour. Ce changement de stratégie n’est pas anodin : diffuser cette envie est aussi l’occasion pour eux d’attirer les meilleurs talents de l’industrie.
Une des dernières folies en date du duo : promettre à leurs employés que si certains objectifs financiers sont dépassés, ce sont toutes les équipes des parcs qui partiront découvrir Universal et Disney en Floride !
Personnellement investis dans l’avenir et le fonctionnement quotidien du parc, il est aisé de les croiser, élégants mais discrets, dans les allées du parc. Leur désir pour Gröna Lund : transformer le parc d’un parc touristique en un vrai lieu de vie que s’approprieraient encore plus les habitants de Stockholm.
Notre visite des coulisses
Aujourd’hui, c’est donc Peter Andersson, manager des attractions du parc, qui nous reçoit, tout sourire. Il nous explique que l’entrée que nous empruntons n’est pas celle d’origine, puisqu’elle a été changée pour répondre à un besoin d’aménagement urbain (desserte des transports en commun, arrangement du flux de visiteurs). Nous passons une passerelle reliant la zone d’entrée, lieu initial du parc, et le nouveau parc, lien entre deux époques du parcs affichant fièrement des tableaux sélectionnant les coasters les plus emblématiques du monde : El Toro, Millennium Force, Superman, Iron Rattler, The Voyage… Oh, des articles de presse relayant l’arrivée de Twister, le petit Gravity Group du parc ! Ces références à d’autres coasters nous surprennent. Nous engageons la discussion sur ces différents coasters, et la passion se sent, dans la voix de M. Andersson. Et nous apercevons derrière les allées fleuries le Zacspin Intamin, celui qui fait couler beaucoup d’encre. Intense ? Insane ? On y reviendra…
Notre guide nous amène à la grande scène. Une scène ayant accueilli des grands noms: The Beattles, Jimmy Hendrix, Lady Gaga, Abba… Ils ont fait la réputation et la fierté de ce parc aux deux casquettes. On nous dira que lors de grands concerts, comme celui de Lady Gaga en 2009, les gens étaient si hystériques qu’ils montaient sur les balustres et planchers des attractions, obligeant à fermer toutes les attractions par souci de
sécurité.
Nous poursuivons la visite en backstage, notamment le garage de Twister, le petit wooden. Enfin… Twister… et Bla Taget, le train fantôme Gosetto, optimisation de l’espace oblige. Le vieillissant train fantôme a laissé libre cours à l’imagination d’un artiste local pour la scénographie. C’est plutôt réussi, avec quelques scènes surprenantes.
Nous poursuivons par la visite du garage de JetLine, le grand-huit le plus populaire du parc. Ce Schwarzkopf, des dires même du parc, vieillit de manière incroyable. Pas de vibration malsaine, les rails sont fixés aux supports avec une cale en teflon, encaissant les charges à chaque passage de train et offrant une expérience particulièrement fun (et intense !). Un aperçu de la mécanique des trains, des boggies, des modifications de châssis faites par Gerstlauer (qui reprend beaucoup de modèles Schwarzkopf en réparation, afin de les passer aux normes actuelles et de les fiabiliser). Depuis le passage aux freins magnétiques, il n’y a quasiment plus
aucun coût pour le parc en matière de maintenance. On notera que les ateliers ne sont pas ceux des films, bordéliques avec les outils par terre. Ceux-ci sont très propres, tout est rangé, balayé ; l’odeur persistante de la graisse, inhérente aux garages, nous confirme le passage quotidien de la maintenance.
Passage sur le plateau du petit Break Dance N°3 Huss. Un Break, propre, entretenu, très old school, avec quelques lights pour agrémenter le tour sur la musique générée par Spotify. Les roulements sont assez bons, le tour peut être sympa. Cette attraction, partenaire de Spotify, est en fait le flat ride le plus populaire du parc.
Nous passons ensuite sous la gare d’Insane où nous entrons dans le garage au transfert-track vertical. Une nacelle était démontée, ce qui nous a permis de voir l’assemblage derrière chaque dossier, le montage du roulement à l’origine des rotations. Derrière notre guide figurait la clé de force pour desserrer les roues de nacelle: elle fait plus de deux mètres de haut !
Nous partons manger avec la tête emplie d’informations palpitantes, sans langue de bois. Une certaine diplomatie de la part de notre guide, beaucoup d’informations techniques et surtout beaucoup de passion et d’investissement de la part d’un monsieur qui a commencé à conduire la petite voiture du parc 25 ans plus tôt… Ce voyage commence bien !
Notre visite se poursuit en tout début d’après-midi, une petite heure avant l’ouverture officielle du parc. Annika Trosellius, responsable presse du parc, nous fait le plaisir de nous guider à travers House of Nightmares, walkthrough horrifique et nouveauté 2016 du parc. Il s’agit un tour on-light avant ouverture de l’attraction, mais le sourire malicieux de notre guide n’avait rien pour nous rassurer (rien à signaler finalement). L’attraction en elle-même paraît assez intense, et joue sur différentes peurs, alternant animatronics, décors trompeurs et acteurs. Certains passages sont assez angoissants, comme cette salle sans issue où les visiteurs doivent
prendre leur destin en main et choisir l’une des trois portes pour continuer leur chemin. Un indice : dans tous les cas, vous êtes condamnés…
Ce qu’on retient de notre visite
L’offre du parc est très variée, et vous permet d’occuper une bonne partie de la journée sans aucun soucis. Petit bonus agréable, le parc fermant généralement vers 22h grâce aux concerts (et ouvrant parfois à 14h pour compenser), il est aisé de faire les attractions de nuit.
Du classique Schwarzkopf Jetline (parfaitement entretenu, donc), à l’incroyablement drôle Vilda Musen et passant par le très « airtimé » Twister, l’offre est très complète. Viennent aussi s’ajouter deux tours de chute, une de chez S&S, une autre, terrifiante tour Intamin dont la position debout tilt est non seulement très intense, mais dont l’effet se renforce lorsque le concert se déroule en contrebas. A faire quand on est en forme, pour l’expérience : il y a Insane, ce Zacspin Intamin grande version. De l’extérieur, sa silhouette violette et blanche impressionne. Une fois à bord, on est déstabilisés : on aime, ou on déteste le grain de folie imprévisible qu’il procure, mais l’on ne peut y rester indifférent.
Et demain ?
Vous l’aurez compris, Gröna Lund fait partie, avec Phantasialand notamment, de ces parcs charmants dont
l’on craint que la contrainte d’espace disponible freine le développement. Pourtant, regardez ce que nous promet le parc pour 2020 (avec tant d’assurance d’ailleurs que cette future attraction fait déjà l’object d’une page sur leur site web) :
Un Inverted Coaster de chez B&M situé entre Jetline et Insane, rien que ça. A ce rythme-là, Gröna Lund sera bientôt le seul parc au monde dans lequel il sera impossible de lever les yeux sans voir un amas de rails semblant nous tomber sur la tête. Et ça n’est pas pour nous déplaire.
Il se murmure même que le parc pourrait construire une île artificielle pour régler tout bonnement et simplement la problématique de place, à long terme. A cette possibilité, il faudra se contenter d’un énigmatique sourire de Peter Andersson. Pas grave : étant donné ce qui arrive à court terme, nous saurons être patients. Et sommes sûrs que le parc ne manquera pas d’astuces pour contourner le problème d’ici là.
Merci à :
- Royk pour ses photos,
- Peter Andersson, Annika Trosselius de Gröna Lund,
- Peter Osbeck de Parks & Resort Scandinavia,
- Antoine pour son aide sur l’article !
Mathis
Octobre 2017
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