Propulser pour éviter d’ennuyer ?
Les roller coasters existent maintenant depuis plus d’un siècle. Une question aurait pu se poser : les visiteurs ne se lassent-ils pas ? Après tout, un coaster, c’est un peu toujours la même chose, non ? Des montées, des drops… Et la question s’est effectivement posée, c’est pour cela qu’au fur et à mesure, les coasters ont évolué, n’ont pas stagné dans leur état initial.
Les parcs et les constructeurs ont rivalisé d’idées pour attirer toujours plus de visiteurs, en commençant par les inversions, puis une fois cette nouveauté complètement exploitée, que faire ? C’est là qu’intervient l’idée de la propulsion : plutôt que de commencer le parcours par un long lift lent et ennuyeux, pourquoi ne pas envoyer les riders directement dans le feu de l’action ?
Flight of Fear à Kings Dominion
C’est ce qu’a choisi de faire Kings Island et Kings Dominion avec Flight of Fear pour la première fois en 1996 ! Flight of fear est alors le premier coaster à propulsion, qui fonctionne avec des LIM, construit par Premier Rides en collaboration avec le bureau Stengel.
Alors maintenant les coasters à propulsion sont plutôt banalisés, avec différents types de propulsions, mais celle qui pose le plus souvent d’interrogations est la propulsion électrique (LIM et LSM), comment peut-on, alors qu’il n’y a aucun contact entre le train et le moteur, propulser un train de plusieurs tonnes à plus de 100 km/h en quelques secondes ?
L’électromagnétisme
Pour comprendre ce phénomène, quelques petites connaissances physiques sont nécessaires ! Alors on arrête d’embêter son voisin, et on écoute le professeur !
Champ magnétique d’un aimant
Tout dabord, un aimant qu’est-ce que c’est ? Et bien tout simplement, un aimant est un corps qui est capable d’attirer le fer, et qui est constitué de 2 pôles : un pôle nord et un pôle sud. Ca ne vous rappelle rien, pôle nord, pôle sud ? Comme la Terre non ? Et bien oui ! Car la terre est une sorte d’aimant, dont le champ magnétique est faible par rapport aux aimants que l’on utilise (même si en fait, actuellement, le pôle Nord Magnétique est au pôle sud géographique et vice versa, mais c’est une autre histoire !)
Ces pôles ont cependant une très grande importance, puisqu’ils possèdent de grandes propriétés : Les pôles opposés (Nord-Sud) s’attirent tandis que 2 pôles identiques se repoussent ! Et cest là tout l’intérêt d’un aimant !
Et ces propriétés sont dues à ce qui nous intéresse dans ce reportage : le champ magnétique.
Un champ magnétique, noté B, est un vecteur tangent à des lignes de champ, mais bien évidemment ces lignes ne sont pas visibles dans la réalité.
Dans un aimant classique, le champ magnétique est orienté du pôle Nord vers le pôle Sud en dehors de l’aimant. Alors pourquoi 2 pôles identiques se repoussent, et 2 pôles opposés s’attirent ?
Lorsqu’un pôle Sud est rapproché d’un pôle Nord, les champs magnétiques des 2 aimants sont dans la même direction, les 2 champs s’additionnent alors, le pôle Sud attire le Nord, et le tout forme un nouvel aimant, avec un unique pôle nord et un unique pôle sud.
Cependant, lorsque 2 pôles identiques se rapprochent, les champs magnétiques des 2 aimants s’opposent,
et il se crée donc un phénomène de répulsion entre les 2 aimants.
La Loi de Laplace
Une loi physique… Ca peut faire peur au début « mon Dieu je viens sur CW pour les coasters et finalement je mange de la physique ! ». Bon, je vais essayer de faire clair et de ne pas trop vous prendre la tête avec tout ça alors !
La loi de Laplace nous dit que si on place un conducteur électrique de longueur l parcouru par une intensité électrique I dans un champ magnétique B uniforme, il se crée sur le conducteur une force électromotrice F telle que :
Ceux qui ont fait des maths un peu poussés vont comprendre assez rapidement ce que ça représente, sinon on peut en fait grâce à cela donner les différentes caractéristiques de la force.
En version très simplifiée, juste pour comprendre : la force est perpendiculaire à B et au sens de I, son sens est donné par la « Règle des 3 doigts », c’est-à-dire que avec votre main droite vous pouvez trouver le sens de F :
Et son intensité est proportionnelle au courant électrique, à la valeur du champ magnétique et à la longueur l du conducteur. C’est promis, j’arrête de vous assommer avec des maths !
Petite application pour montrer le principe :
on utilise un aimant en U, qui crée un champ magnétique B uniforme (en vert), et on place à lintérieur une barre conductrice de longueur l (en rouge) donc l’intensité va vers vous (sort de votre écran).
Il se crée alors la force F (bleue) qui repousse le conducteur en dehors de l’aimant.
Les Bobines
Bon ils arrivent ses launchs là ? Il est gentil avec ses aimants mais… Hep hep hep je vous entends ! Un tout dernier topo sur les bobines et on passe aux coasters promis !
Une bobine est en fait l’enroulement cylindrique d’un fil conducteur, et lorsqu’elle est parcourue par un courant électrique, elle produit un champ magnétique dont l’orientation dépend du sens du courant, et est proportionnel à l’intensité du courant qui le traverse. La bobine se comporte alors comme un aimant, dont le pôle Nord est la face par laquelle sortent les lignes de champ.
Comme promis, maintenant, on passe aux coasters ! 🙂
Les LIM
Comment ça marche ?
Petite présentation de l’installation : dans les LIM, il y a en fait un stator (partie fixe du moteur) en 2 parties, composées de bobines, disposées parallèlement à quelques centimètres d’écarts. Entre ces 2 stators, le plus souvent fixés sur le rail dans notre cas, va venir passer une plaque conductrice, généralement en aluminium fixée sous le train.
Maintenant, comment mettre le train en mouvement ?
Dans un premier temps, il n’y a pas de courant dans les bobines, donc pas de champ magnétique : le train est à l’arrêt. Puis, on va envoyer une très forte impulsion électrique dans les bobines, ce qui va immédiatement créer un champ magnétique très puissant. Or ce champ magnétique va induire un courant dans la plaque en aluminium, courant qui va lui-même produire un champ magnétique autour du rotor ! Mais d’après la loi de Lenz, que je ne ferais que citer, lorsqu’un phénomène est induit, le champ magnétique dans notre cas, il s’oppose à sa cause. Les champs magnétiques du stator et du rotor s’opposent, et donc les 2 parties se repoussent !
En installant ainsi plusieurs stators à la suite, et en les alimentant au fur et à mesure du passage du train avec des impulsions électriques de plus en plus fortes, on peut ainsi augmenter sa vitesse progressivement ! Et on a notre launch !
Avantages et inconvénients
Booster forain
Ce système est plutôt intéressant d’un point de vue maintenance car comme il n’y a aucun contact, il n’y a aucun frottement donc pas d’usure ! De plus pour la même raison, ce système n’est pas du tout bruyant ! À part le doux bruit du vent que l’on se prend à admirer dans les files d’attente !
Cependant il a un très gros défaut : sa consommation électrique ! Comme il nécessite de fortes impulsions, il consomme énormément en peu de temps puisqu’il demande une puissance de l’ordre de 2 MegaWatts pendant quelques secondes. Pour comparaison, 1 Mégawat représenterait la puissance nécessaire pour faire fonctionner 4 Boosters (les flat rides forains) de 40m de haut !
De plus, il ne permet pas d’atteindre des vitesses supérieures à 160 km/h, ce qui est quelques fois dépassé lors de launchs.
Quelques coasters utilisant des LIM
Les LIM ont été la toute première source de propulsion, comme dit dans l’introduction, et ont été énormément utilisés par le constructeur Premier Rides, comme sur Mr Freeze, Back Lot Stunt Coaster, Batman et Robin, et les Revenge of the Mummy, mais également par Intamin, sur ses impulsed inverted comme Volcano : the Blast Coaster, Possessed, Vertical Velocity etc…
Back Lot Stunt Coaster
Les LSM
Comment ça marche ?
On change de moteur, donc on change de principe de fonctionnement ! Bien que l’on utilise toujours les aimants et les bobines, on ne les utilise pas de la même manière.
Le stator est toujours constitué de bobines, situées tout le long du rail, mais maintenant le rotor n’est plus une plaque conductrice, mais est constitué d’aimants permanents. On a donc des bobines le long du rail, et des aimants sous le train. Lorsque les bobines sont alimentées, elles se comportent comme des aimants, et donc elles attirent les pôles des aimants du train. Cependant, dès que les pôles sont opposés, le train devrait s’arrêter, mais on change alors le sens du courant dans les bobines, pour inverser les pôles, le pôle Sud du train est alors attiré par un nouveau pôle Nord un peu plus loin sur le rail, et ainsi tout le long de la propulsion !
Avantages et inconvénients
De même que les LIM, les LSM sont très silencieux et ne nécessitent que peu d’entretien. De plus les LSM peuvent donner au train une vitesse bien plus importante ! C’est d’ailleurs grâce à ce type de propulsion que le train à sustentation magnétique de Shanghai a battu en 2005 le record du monde de vitesse à 581 km/h !
Cependant, les accélérations ne sont pas aussi fortes que pour les LIM, les vitesses maximales s’atteignent plus lentement.
Quelques coasters utilisant des LSM
Les LSM sont utilisés par beaucoup plus de constructeurs que les LIM, et deviennent de plus en plus répandus.
Le 1er coaster à LSM est Xpress, par Vekoma, à Walibi World, installé en 2000, dont un clone est de notre Rock’n’Roller coaster national. C’est également la technologie utilisée par Gerstlauer sur Anubis, Fluch von Novgorod, par Zierer sur Wicked, mais également par Intamin, qui jongle entre LIM et LSM, en installant des LSM sur ses dernières créations comme iSpeed ou Cheetah Hunt !
Et c’est aussi avec cette propulsion que Mack Rides s’est lancé en 2009 dans les Launch Coasters avec Blue Fire.
Blue Fire à Europa Park
Conclusion
Deux types de moteurs possibles
Pour résumer, les launchs magnétiques fonctionnent avec 2 moteurs possibles : un moteur linéaire à induction (LIM) qui utilise le principe de l’induction d’un champ magnétique dans un conducteur pour propulser des trains, et un moteur linéaire synchrone (LSM) qui utilise simplement le principe de répulsion et d’attraction des pôles des aimants.
Comment choisir ?
La grande question vient alors se poser : Comment choisir ? LIM ou LSM ?
Le LIM consomme énormément d’électricité, mais il permet une accélération plus forte que le LSM qui lui consomme moins et permet des vitesses plus importantes ! L’argument économique est de plus en plus prépondérant et c’est sûrement pour cela qu’aujourd’hui, les LSM prennent l’avantage, grâce à une technologie de plus en plus mature et bon marché. Les LIM quant à eux, semblent boudés par les constructeurs, le dernier coaster en date utilisant cette technologie remonte à 2012. En 2017, on compte 30 LIM et 66 LIM dans le monde (source Rcdb).
Les autres propulsions
En plus de ces 2 propulsions, il existe d’autres moyens d’accélérer un train, quiont aussi tous leurs défauts ! La propulsion à air comprimée est par exemple très utilisée par S&S car elle permet des accélérations démentielles (même parfois jugées trop violentes), mais est peu fiable… Il n’y a qu’à voir le cas de Ring Racer par exemple…
La propulsion hydraulique est utilisée, elle, par Intamin, c’est elle qui permet la propulsion des accelerators les plus rapides comme Top Thrill Dragster ou Kingda Ka !
Cependant elle nécessite beaucoup d’entretien, surtout au niveau de l’usure du câble de propulsion…