Le 2 juin 2015, deux trains entraient en collision sur The Smiler. Un dramatique accident qui va plomber l’image du parc et du groupe.

Source : CCTV – Youtube

Tour d’horizon sur la montagne russe le jour de l’accident, puis du Groupe depuis : ses projets, ses objectifs, sa situation financière.

Le corps principal de cet article ne tient pas compte des conséquences du COVID-19 – seul un paragraphe à la fin de celui-ci en fera mention.

Rappel de l’accident

The Smiler c’est : 2 lifts, 14 inversions (le record du monde), plus de 1km de rail, le tout sur une surface assez réduite.

L’attraction fonctionne normalement, jusqu’à 13h où celui-ci se met en défaut. Avant de la rouvrir, les techniciens effectuent un test et envoient un premier train puis un deuxième à vide. Le temps que le deuxième train retourne en gare, les visiteurs sont invités à remplir un train. Cependant, le 2ème train test n’est pas revenu en gare ; ce dernier est coincé entre deux inversions.

Les opérateurs ne font pas attention et envoient le train rempli de visiteurs sur le parcours. Par sécurité, celui-ci s’arrête, mais redémarre 10 minutes plus tard, à la suite de l’intervention des ingénieurs. Le drame est inévitable ; les deux trains entrent violement en collision, le 2ème train arrivant à une vitesse d’environ 80 km/h.

Attention, la vidéo peut choquer les personnes sensibles

Le bilan est lourd : 16 blessés dont 4 graves ; deux jeunes femmes sont amputées d’une jambe.

De multiples erreurs et une pression hiérarchique : conclusions de l’enquête

L’attraction et le parc sont immédiatement fermés, et, par précaution, d’autres montagnes russes situées dans d’autres parcs du groupe le sont elles aussi.

The Smiler ne rouvre qu’en 2016.

Un article britannique énumère, étape par étape, le déroulement de la journée et les erreurs accumulées. Pour résumé :

  • Il y a beaucoup de vent ce jour-là (74 km/h), et l’attraction n’est pas censée fonctionner au-delà de 55 km/h ;
  • Une sonnerie retentit vers 13h00 signifiant qu’il y a un défaut sur l’attraction. Les passagers sont évacués et les techniciens & ingénieurs appelés en renfort ;
  • Un cinquième wagon est ajouté sur le parcours par un opérateur afin d’accueillir plus de visiteurs (le parc étant rempli ce jour-là) ;
  • Les techniciens échouent à envoyer le train test sur le parcours ;
  • Certains opérateurs et ingénieurs ne sont pas au courant qu’un cinquième train est ajouté au parcours ;
  • Vers 13h40, les techniciens réussissent à réinitialiser le processus afin d’envoyer le train, puis un deuxième ;
  • Le deuxième train ne revient pas en gare et les opérateurs ne font pas attention ;
  • Le train rempli de passagers est envoyé sur le parcours, le train s’arrête en haut du lift ;
  • Un des ingénieurs se penche de nouveau sur le système, et ne sait toujours pas qu’il y a 5 trains sur le parcours et qu’un des trains est arrêté entre deux inversions ;
  • Pensant que tout est sécurisé, l’ingénieur, avec l’un des ses collègues, appuient sur un bouton afin de forcer la libération du train sur le lift.
  • Les deux trains entrent en collision quelques secondes plus tard.

Excès de vent, mauvaise communication, trafic du logiciel, pression pour redémarrer l’attraction au plus vite ont amené à cet accident.

C’est en 2016, soit un an après l’accident que les juges ont rendu leur verdict : le groupe Merlin est jugé coupable de cet accident, et l’erreur humaine n’est pas retenue. En effet, l’investigation a trouvé que les techniciens et ingénieurs étaient mis sous pression afin de rouvrir l’attraction au plus vite. Des bonus leur étaient accordés si The Smiler était en panne le moins de temps possible. Rajoutons à ça que les blessés ont été évacués en 5h, un laps de temps énorme.

Le groupe admet ne pas avoir respecté les règles de sécurité.

L’amende est à la hauteur de l’accident : le groupe doit payer £ 5.000.000, soit environ 5.813.000 € à l’époque (Source).

Une image ternie par les tabloïds

Les célèbres journaux anglais prêts à tout pour faire vendre le moindre événement sensationnel s’en sont donnés à cœur joie :

Fin 2015, les chiffres tombent, c’est l’hécatombe : Alton Towers voit sa fréquentation chuter de plus de 25%. Thorpe Park chute aussi : -13,51%. Le Groupe perd 3,66% de visiteurs sur l’ensemble de ses parcs et sites touristiques.

La relance par les nouveautés

Il faut coûte que coûte regagner la confiance des visiteurs et poursuivre les objectifs fixés. Le groupe continue ses investissements dans ses différents parcs. Nouvelles attractions, nouveaux hôtels, stratégies marketing sont aux rendez-vous.

Le groupe Merlin est divisé en trois branches principales : « Midway Attractions », « LEGOLAND PARKS » et « Resort Theme Parks ».

Alton Towers et les parcs ci-dessous font partie de la 3ème branche

Alton Towers installe en 2016 la VR sur Air, qui devient par la même occasion Galactica. La VR est retirée 2 ans plus tard.

Le parc inaugure en 2017 un hôtel sur le thème CBeebies Land, constitué de 76 chambres. Ces dernières sont adaptées aux jeunes enfants (lavabos et toilettes à leur taille).

En 2018, le parc accueille Wicker Man, une montagne russe en bois signée GCI dont le projet a commencé en … 2014 ! Le Groupe se félicite d’ailleurs de cette nouvelle montagne russe, qualifiée de « family thrill » ride. Dans sa première année d’exploitation, l’attraction a été très bien perçue, augmentant significativement les revenus du parc et la satisfaction client.

Source : BenJ

En 2019, des « Stargazing Pods » (sorte de maisonnettes en bois) font leur apparition pour augmenter l’offre et la variété de logements sur place.

Thorpe Park est en continuité avec le thème de l’horreur et ouvre en 2016 Derren Brown’s Ghost Train, un parcours multi-sensoriel horrifique utilisant la VR.

En 2018, l’hôtel du parc s’agrandit pour absorber plus de visiteurs.

Chessington World of Adventure propose depuis 2018 The Gruffalo River Ride Adventure, une croisière scénique en bouées destinés aux jeunes enfants. L’année d’après, c’est un parcours scénique à pied pour les jeunes aventuriers encore en poussette (ou non), Room on the Broom – A Magical Journey narrant l’histoire d’une sorcière très connue au Royaume-Uni qui ouvre ses portes. Succès garanti auprès des familles !

Heide Park a ajouté à son offre en 2017 un dark ride interactif 5D sur le thème de Ghostbusters.

Rénové en 2019, Colossos, le Plug n’ Play Intamin, fait son grand retour. La thématisation vous fait-elle penser à une autre montagne russe du groupe ?

Source : Aymeric Thomas

Gardaland ouvre en 2016 Kung Fu Panda Master, une Wild Mouse signée Fabbri. Le parc étend aussi son hôtel et y ajoute 100 chambres.

On observe une hausse massive de place en hôtels afin de prolonger le séjour des visiteurs au sein des parcs ; cela étant l’un des objectifs du groupe. Entre 2016 et 2020, le groupe devrait proposer 2 000 chambres supplémentaires.

Le groupe développe son e-commerce et ses applications pour smartphone afin d’améliorer l’expérience visiteur. Certaines zones de parcs sont totalement revues, comme par exemple pour Heide Park et l’ajout d’une zone sur le thème « How to train Your Dragon » en 2016. Les partenariats entre différentes IP (DreamWorks, BBC Studios…) est une force pour le groupe : une attraction sur un film ou une série mondialement connue fait venir des visiteurs !

Les années passent…les visiteurs reviennent timidement

Tous les ans, l’AECOM publie les chiffres des parcs les plus fréquentés dans le monde. Il s’avère que dans le classement européen, les 5 parcs de la branche font tous partis du top 20.

Nous pouvons voir que l’accident a eu un gros impact sur la fréquentation d’Alton Towers, mais aussi sur Thorpe Park. Les autres parcs de la branche ont une augmentation moindre par rapports aux années précédentes. On pouvait penser que, plus de 4 ans après l’accident, Alton Towers retrouverait ses chiffres d’avant. Le parc en est bien loin avec « seulement » 2 130 000 visiteurs en 2019. Plus globalement cette même année, la progression du nombre de visiteurs dans les parcs de la branche a fortement ralenti.

La situation financière de Merlin depuis l’accident

Alton Towers a l’avantage de faire partie d’un gros groupe : quand l’un tombe, les autres le ramassent.

Chaque année, Merlin met à disposition sur son site internet les reports annuels du Groupe, détaillé par branche. Sur ces rapports annuels, vous trouverez, après chaque résultat financier, une explication de la hausse ou de la baisse des revenus. Par exemple, pour les résultats de 2019, cela s’explique par le renouveau de Colossos, à Heide Park, par l’ouverture d’une nouvelle attraction à Chessington ou bien encore par la construction de 128 chambres pour l’hôtel de Gardaland… Sans oublier la météo favorable !

D’après le tableau récapitulatif, nous pouvons observer que la branche « Resort Theme Parks » a beaucoup souffert en 2015. Il a fallu 4 ans avant de pouvoir de nouveau dépasser les chiffres de 2014.

Concernant les données du Groupe, la chute observée en 2019 s’explique par la transformation du groupe en Société à Responsabilité Limitée, devenant Merlin Entertainment Limited (MEL). En effet, jusqu’en novembre 2019, il était possible d’acheter des parts du groupe sur le marché londonien (London Stock Exchange). Comme expliqué dans le rapport, les résultats reflètent une année complète de performance commerciale de MEL. Les sociétés-mères créées à l’occasion étant lourdement endettées, leurs dettes pèsent sur le résultat final du Groupe.

La sécurité au sein des parcs

Les rapports annuels précisent tous les ans les tendances des différents risques subis. Par exemple, pour la santé et la sécurité des visiteurs et du personnel, depuis l’accident de The Smiler, la tendance est à la stabilité voire à l’amélioration. Chaque risque est associé à des problèmes et des solutions.

Pour illustrer, le parc met en évidence les principaux problèmes rencontrés en 2016 :

  • Maintenance inadéquate vis-à-vis des bâtiments et de la végétation ;
  • Non-respect des systèmes de la gestion de la sécurité dans le cadre de l’exploitation des attractions ;
  • Dégradation des bâtiments, des objets par les visiteurs.

Les solutions pour y remédier :

  • Prise en charge proactive des risques par la direction hiérarchique ;
  • Formation du personnel ;
  • Suivi des installations selon un process précis ;
  • Mise en place d’un registre des risques pour chaque attraction ;
  • Audit réguliers…

Le groupe apporte une attention particulière à ce type de risques afin de minimiser le risque d’un nouvel accident et d’une rechute de la fréquentation. 

Pour conclure

La branche s’est remise de l’accident, les différentes stratégies de développement attirent de nouveaux les visiteurs ; pour autant, Alton Towers et Thorpe Park n’ont toujours pas retrouvé leur fréquentation d’avant. Merlin est dans une perpétuelle remise à niveau quant à la sécurité et le standing de ses attractions. Sa volonté de faire de ses parcs de vraies destinations touristiques est son fil rouge.

Outre sa branche « Resort Theme Parks », sa branche « LEGOLAND » est un succès sans précédent : ouverture de parcs et de centres partout dans le monde, toujours associés à un hôtel.

Malheureusement, le sourire est retombé quand le coronavirus a envahi la planète…

Quid du COVID-19 ?

Il est fait état du COVID-19 dans le dernier rapport ; le Groupe a déjà conscience qu’il ne peut pas prédire les conséquences sur son business et son industrie. Cependant, des mesures ont déjà été prises afin de préserver sa santé financière, celle de son personnel et des visiteurs.

Dès le mois de janvier 2020, tous les lieux touristiques appartenant au groupe ont fermé en Chine. Au 21 avril, quasiment tous les parcs dans le monde entier demeuraient toujours fermés.

Merlin a drastiquement réduit les sorties de fonds en mettant en congés plus de 80% de son personnel, gelant les embauches saisonnières et en proposant aux salariés une baisse de leurs salaires.

Les coûts marketing ont été réduits à néant ; pour les visiteurs, les réservations des hôtels peuvent être reportées gratuitement à plus tard.

Côté projets, l’ouverture de LEGOLAND New York est reportée en 2021.

Malgré ces réductions, et sur une supposition que les parcs restent fermés toute l’année, le groupe doit sortir tous les mois environ 50 millions de livres afin de payer les coûts d’exploitation, les loyers, payer la dette et les taxes.

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Alton Towers a pu rouvrir ses portes le 4 juillet 2020. L’achat d’un billet daté est obligatoire afin de maîtriser le nombre de visiteurs au sein du parc. Le port du masque est obligatoire dans les files d’attente, les attractions et dans tout espace clos. Le prix de l’entrée a diminué afin d’attirer, malgré le contexte, des visiteurs. Des offres sont aussi proposées sur les hôtels.

Le parc est estampillé « We’re Good to Go, visit England ». Ce blason certifie que toutes les mesures sanitaires sont bien appliquées pour garantir la sécurité des visiteurs. Un coup de marketing supplémentaire pour rassurer les futurs clients (Source).

C’est un nouveau coup dur pour Merlin, mais il n’est pas seul à subir de plein fouet cette crise sanitaire mondiale.

D’après le rapport 2019 de l’AECOM, les parcs ne devraient pas retrouver leur niveau de fréquentation et de chiffres avant 2 ans.

Retrouvez les rapports de l’AECOM ici.

Crédit photo de couverture : Flex
Røyk
Août 2020