Il est 16h05, Jeudi dernier. Alors que les derniers visiteurs trainent des pieds, les cutters de sortie : en quelques minutes, les tapis bleus turquoise du Hall 1 de la Porte de Versailles sont lacérés, et l’amusement fait place à l’asphalte d’un hall des expositions brut, sans charme. À l’extérieur, les ambassadeurs forment une allée improvisée et donnent rendez-vous à Londres l’année prochaine. L’IAAPA Expo Europe est déjà finie.
L’IAAPA Expo Europe
L’IAAPA (comprenez International Association of Amusement Parks and Attractions) est l’association mondiale en charge de regrouper les professionnels de l’industrie du loisir. Parmi les nombreux temps forts organisés par l’association, les plus réputés sont les IAAPA Expos, au nombre de trois par an : une en Asie en Juin, une en Europe en Septembre et la dernière, en Novembre et à Orlando, toujours : c’est de loin la plus grande.
Cette année, l’exposition européenne posait ses valises à Paris, pour une année aux chiffres record. Une dynamique encouragée par l’expansion d’exposants asiatiques, chinois notamment, prêts à pénétrer le marché européen… avec une réussite toute relative pour le moment. 600 exposants et 15,000 visiteurs se sont bousculés en 3 jours Porte de Versailles pour découvrir les nouveautés du secteur, signer leurs prochains contrats, se former lors d’une des conférences ou bien réseauter lors d’un des événements organisés, que ce soit à Koezio, à Villages Nature, au Jardin d’Acclimatation ou au Manoir de Paris.
Bien que n’ayant pas réalisés de vidéos cette fois-ci, nous étions plusieurs du site à arpenter les allées du salon, sous différents rôles : recherche professionnelle, ambassadeurs… Alors, que retenir de cette messe annuelle ?
Les parcs de demain ne se feront pas (que) sur les attractions :
SI vous croyiez que les allées de l’IAAPA ne sont composées que des quelques constructeurs que vous adulez… vous faites fausse route. A vrai dire, s’il fallait les regrouper, ceux-ci tiendraient probablement en une allée, tout au plus. Tout autour, ce sont des stands d’entreprises de thématisation qui rivalisent pour attirer le visiteur. Il a aussi des vendeurs… de tourniquets, de casiers ; les organismes de certification qui approuvent les grand-huit sur lesquels vous vous trouvez chaque année; des entreprises spécialisées dans le management de projet, des vendeurs d’animatronics, de slushies, des analystes de données, essentiels aujourd’hui…
On a beau jeu de sacraliser quelques acteurs clés de quelques constructeurs, mais l’industrie, les parcs sont faits de maillons étroitement liés qui ensemble peuvent créer les parcs que nous parcourons.
VR, AR… Tous les mêmes (et il y en a marre)
C’est une tendance, c’est indéniable. La VR est là, et c’est un peu la Christine Boutin de l’industrie : quel que soit le masque, ça pue, personne n’en veut, et pourtant, elle est toujours là. Sous forme de Robocoaster, de jeu de tir, ou de simulation de parachute, elle se propage sur les stands… Et si elle assure indéniablement le spectacle, ça s’arrête souvent là.
L’entreprise qui arrivera à s’approprier de manière miraculeuse cette technologie n’existe pas encore, et un tour dans une de ces horribles machines au débit quasi-nul suffit à vous rappeler que la technologie n’est pas mure. Peu de parcs s’y sont aventurés, d’ailleurs – ceux qui l’ont fait se sont arrêtés assez vite : Alton Towers, Bobbejaanland…
Non, la bonne VR se situe dans les stands les plus modestes, comme ces labyrinthes à parcourir en VR qui permettent aux centres commerciaux ou parcs avec peu de monde d’ajouter une attraction indoor à moindre coût.
Comme souvent, la lueur d’espoir vient de Phantasialand et son Temple of the Night Hawk transformé récemment en Crazy Bats, avec un parcours dans le noir et relativement lent, se prêtant bien à ce type d’exercice… Mais ça s’arrête là. Répétons-le : les meilleurs utilisations de VR sont en dehors des attractions : faire la publicité d’une future nouveauté (Valkyria à Liseberg), permettre à des personnes à mobilité réduite de vivre l’expérience avec leur famille, comme s’ils étaient à bord du véhicule (Droomvlucht à Efteling)… Pour le reste : oust.
Le digital, risque ou opportunité ?
Le digital ringardise tout très vite, et les parcs pourraient rapidement devenir la cible de ce changement. Dans les parcs déjà, il devient essentiel de montrer que l’on a vécu l’expérience, tout autant que de la vivre en soi. Et si la thématisation commençait à devenir essentielle pour l’immersion, voilà qu’elle devient désormais incontournable pour devenir un lieu instagramable.
Comment tirer son épingle du jeu, y compris avec des moyens limités ?
C’est à ce genre d’enjeux que permet aussi de répondre l’IAAPA – et c’est une tendance : les parcs veulent de plus en plus s’informer, s’éduquer, comprendre ce qui se fait ailleurs et ramener chez eux quelques bonnes idées. Des conférences sur les neurosciences, les pratiques durables, à celles intitulées « créer des expériences globales personnalisées » ou bien encore « que faire des files dans un monde où l’attente disparait ? » étaient autant de conférences destinées à répondre à ces enjeux.
Une petite observation un peu plus personnelle : l’échange inter-parcs à échelles différentes reste parfois un peu plus compliqué. Les deux événements consacrés au Puy du Fou et Disneyland Paris, deux Keynotes soignées sur la forme mais durant lesquelles même un Amish n’aura rien découvert, ont été une occasion manquée : alors que les intervenants auraient pu (du !) tirer des leçons, raconter des anecdotes, donner en toute modestie quelques clés de réussite ou conseils, on aura du se contenter d’un exposé Wikipédia certes bien enrobé, dont on ressort envieux (à la limite…) mais pas instruit. Dommage !
Une petite industrie – une grande famille.
Vous l’aurez compris, les grands événements ne sont pas forcément les plus réussis. Mais si vous faites l’effort de tester parmi les plus petits,vous pourriez trouver quelques pépites inattendues. Prenons l’exemple du Young Professionals / Students Forum. Il s’agit d’une réception, précédée d’échanges de panels de 3 professionnels, souvent parmi les plus passionnés de l’industrie. Celui du Young Students cette année était particulièrement bien fourni : autour de la table, Andreas Andersen (CEO de Liseberg), Michael Kreft von Byern (CEO de Rulantica) & Jeroen Nijpels (consultant).
Dans la salle, il y avait ce car d’étudiants de l’université de Breda. Bien sappés, raides, impassibles presque. Et dans le fond de la salle, des passionnés, ambassadeurs ou étudiants indépendants. Nous. Nos yeux souriaient et nous avions des frissons mais pour la première fois de la semaine, ça n’était pas la faute de la climatisation…
Je terminerai d’ailleurs l’article avec une liste de 10 conseils donnés par Jeroen. Ils sont assez généralistes, mais étaient assez convaincants sur le moment. J’espère que je saurai vous les retranscrire.
- Discover what you like – Cherchez votre passion
- Know where you wanna be – Fixez-vous un objectif
- Take a long term perspective – Et décomposez-le en étapes réalisables
- Find a mentor – cherchez un mentor plus agé que vous, qui évoluera en parallèle de vous et avec qui vous pourrez échanger.
- Take initiative – Osez
- Ask questions – Posez des questions
- Answer questions from other – Et ne refusez jamais de répondre à celles de jeunes passionnés, quand vous serez à cette place !
- Be generous – avec votre temps, surtout
- Never say no – rien n’est « trop dégradant » ou ne « mérite pas votre temps ». Soyez humbles.
- If you can dream it, you can do it.
Tout un programme.
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En ce Jeudi soir, William est fatigué. William, c’est le monsieur IAAPA Expo européen.
« Un an de travail vient de se concrétiser. J’ai visité le lieu 6 fois avant sa venue, on n’a pas évité quelques galères organisationnelles – mais dans l’ensemble, les gens n’en ont rien perçu, et c’est ça l’essentiel ».
Ce week-end, William rentre chez lui, à Bruxelles. Mais pas pour longtemps… London is calling.
Rendez-vous là-bas.